Des actions pour s’attaquer non seulement à la circulation des armes à feu prohibées, mais aussi à la culture des armes chez les jeunes. Des caméras portatives uniques et financées par le gouvernement pour tous les corps de police du Québec. Une campagne de sensibilisation pour revaloriser le métier de policier alors qu’on perçoit une baisse d’intérêt chez les jeunes qui auraient pu vouloir exercer cette profession. Réunis en colloque durant deux jours dans l’Outaouais, les directeurs de police du Québec discutent de dossiers chauds qu’ils entendent prioriser « d’une seule voix ».

Jamais les évènements de coups de feu n’ont été aussi nombreux à Montréal et en banlieue. Le patron de l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) et chef de la police de Laval, Pierre Brochet, est favorable à la création d’équipes de luttes au trafic d’armes « pour circonscrire l’hémorragie » à court terme, mais croit qu’il faut aller plus loin.

« Il y a une valorisation et une culture des armes à feu qui préoccupent beaucoup les directeurs. Nous avons un feu à éteindre au niveau des fusillades, mais il y a aussi un problème de fond auquel il faudra s’attaquer. Comment expliquer qu’un jeune de 16 ou 17 ans se retrouve dans un parc avec une arme à feu à la ceinture ? Il faut commencer à développer une vision à moyen terme et travailler le pourquoi ça devient hot d’avoir des armes à feu. C’est comme si la recherche de pouvoir était plus importante que le risque de se faire arrêter. Ça change l’approche des policiers quand ils arrivent dans un parc et soupçonnent que les 4-5 jeunes qui sont là pourraient être armés. À moyen terme, il va falloir trouver des solutions au niveau de la culture des armes à feu », dit M. Brochet.

Une vision provinciale

Les directeurs sont favorables à l’implantation des caméras corporelles dans tous les corps de police de la province, mais réclament que Québec en défraie tous les coûts et que le système soit unique, c’est-à-dire que tous les patrouilleurs seraient équipés de la même caméra corporelle partout et que toutes les images filmées « par des milliers de policiers en même temps, en temps réel », aillent dans les mêmes serveurs.

« Il faut un alignement et une vision provinciale, ce qui réduirait sensiblement les coûts. Il y a aussi des enjeux légaux très importants ; toutes les images qu’on va filmer pourraient être utilisées à la cour et la collaboration avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est essentielle. Un autre enjeu qui coûte très cher, c’est l’entreposage des données et l’accès à l’information », explique le directeur Brochet.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Brochet, directeur de la police de Laval.

Ce dernier ne sait pas combien tout cela coûterait au gouvernement. Pour donner une idée, le SPVM a évalué qu’il en coûterait 17 millions pour équiper ses 4000 patrouilleurs et 25 millions par an en frais de gestion par la suite.

Une ligne mince

Depuis un an, des policiers ont été ciblés par des coups de feu à au moins quatre reprises au Québec. Ils sont de plus en plus critiqués lorsqu’ils ont recours à l’usage de la force, ou accusés de discrimination et de profilage racial sur les réseaux sociaux et dans les médias, déplore M. Brochet. Ce dernier annonce donc une campagne de valorisation de la fonction policière qui sera lancée l’an prochain ; des vidéos démontrant le visage humain des policiers seront publiés sur les réseaux sociaux et les citoyens seront invités à souligner les bons coups des policiers.

M. Brochet cite une étude de l’École nationale de police du Québec qui démontre que les policiers ont besoin de se sentir appuyés par la population. Il affirme qu’aux États-Unis, 50 % plus de policiers ont demandé de prendre leur retraite cette année, comparativement aux années passées. Ici au Québec, M. Brochet pèse ses mots lorsqu’il est question de parler de désengagement chez les policiers.

« On est sur une ligne mince. On commence à sentir une certaine hésitation si on veut. Combien de fois le policier sur le terrain pourrait intervenir, hésite un peu et décide de ne pas intervenir, c’est difficile à évaluer ».

« Chez les jeunes (futurs policiers), on voit une baisse d’intérêt. C’est pour ça qu’en valorisant le métier, on touche à plusieurs enjeux. Aussi celui d’attirer les communautés ethnoculturelles dans le métier de policier. Il ne faut pas juste parler du métier de façon négative », dit-il.

Les directeurs de police demandent également au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec de chapeauter et de financer les interventions policières en santé mentale. Après une accalmie dans la distribution de constats d’infraction liés aux mesures de santé publique, les corps de police se préparent à faire appliquer le respect du passeport sanitaire dans les lieux publics. Ils ont également l’Intention de faire avancer cette année leur projet de création d’un partenariat police-privé pour s’attaquer aux crimes économiques et aux fraudes organisées.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.