Les accusés étaient tourmentés à deux heures de leur arrestation

Moins de deux heures avant d’être arrêtés le matin du 16 octobre 2019, Marie-Josée Viau et Guy Dion ont reçu un appel inattendu d’un présumé complice dont ils n’avaient pas eu de nouvelles depuis plus d’un an, soulevant leurs interrogations et inquiétudes.

C’est ce qu’un enquêteur du SPVM Dacky Thermidor a raconté, conversations téléphoniques à l’appui, vendredi matin au procès devant jury de Viau et Dion accusés d’avoir comploté et tué les frères Vincenzo et Giuseppe Falduto le 30 juin 2016.

C’est un tueur à gages de la mafia, qui était alors accompagné d’un individu surnommé Brad Pitt — les deux hommes ne peuvent être identifiés —, qui a tué les deux frères dans le garage de Viau et Dion, sur leur propriété de Saint-Jude, près de Saint-Hyacinthe.

Selon la théorie de la Poursuite, le couple a ensuite brûlé les corps des victimes à ciel ouvert, jeté les restes dans la rivière et fait disparaître toute trace du crime.

Mais deux ans et demi plus tard, le tueur à gages s’est mis à collaborer avec la Sûreté du Québec et, après une fausse rencontre fortuite avec Marie-Josée Viau, il a fait parler celle-ci et Dion au sujet des meurtres des Falduto et les a enregistrés à leur insu lors de cinq rencontres qui se sont déroulées durant l’été 2019.

« J’ai rien eu à date »

Selon ce que l’on a pu comprendre du témoignage du policier Thermidor, responsable de l’écoute électronique, Brad Pitt a appris que le tueur à gages avait rencontré le couple durant l’été et il a appelé Guy Dion à 8 h 04, le matin du 16 octobre 2019, alors qu’il ne lui avait donné aucune nouvelle depuis plus d’un an.

- « J’ai su que tu as eu une visite ? », demande d’emblée Brad Pitt à Guy Dion.

- « Oui », répond simplement le pompier, un peu décontenancé.

- « Ils sont revenus te voir » ?

- « Non. »

- « Parce que l’argent a été donné », poursuit Brad Pitt.

- « Je n’ai rien eu à date », dit Guy Dion.

- « Je sais que vous avez dit beaucoup de choses. Fais-moi confiance », ajoute Brad Pitt, qui offre aussi à Marie-Josée Viau un emploi de comptable dans l’entreprise familiale, vraisemblablement pour l’aider financièrement.

Dix minutes plus tard, Guy Dion a appelé et réveillé Marie-Josée Viau.

- « Un disparu qui vient de refaire surface à matin », commence Guy Dion.

- « Et ? », demande Marie-Josée Viau.

- « D’après moi, ça s’est parlé en haut. Il sait qu’on a parlé, qu’on a eu de la visite d’eux autres, et m’a dit de ne pas leur faire confiance. Il dit qu’il a tout payé », répond Dion.

« À qui ? Pas à nous autre certain câlisse », réagit Marie-Josée Viau.

« Ces gens-là n’oublient pas »

À 8 h 30, le couple se parle de nouveau. Marie-Josée Viau fait mention d’un individu dont elle n’a plus de nouvelle et qui lui a écrit, la dernière fois, qu’il avait des « paparazzis sur le dos ».

« Relance-le. Il a peut-être oublié ?, demande Guy Dion.

« Non, ils n’oublient pas ces gens-là », répond sa conjointe.

Le témoin Thermidor a présenté d’autres conversations dans lesquelles on sent Marie-Josée Viau et Guy Dion sur la défensive. Ils pèsent leurs mots.

« C’est bizarre, ça sent pas bon ».

« Je ne voulais pas trop parler non plus, je ne sais pas si c’est chaud, si c’est tapé », dit Guy Dion à sa conjointe au sujet de sa conversation inattendue avec Brad Pitt.

L’ancien pompier ne croyait pas si bien dire. Le témoin Thermidor a expliqué que non seulement les téléphones du couple étaient écoutés, mais aussi que leurs texto étaient interceptés, que des micros avaient été installés « dans certains endroits » et qu’avec l’aide de GPS, dont ceux dans leurs téléphones, les enquêteurs pouvaient suivre leurs déplacements et savoir où les cibles se trouvaient lorsqu’elles faisaient des appels.

À lui seul, Brad Pitt a généré plus de 1000 appels interceptés par les enquêteurs qui l’ont écouté durant six mois, après avoir obtenu les autorisations requises.

Le procès fait relâche la semaine prochaine et reprendra le lundi 13 septembre avec le contre-interrogatoire du témoin Thermidor.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.