Détenu depuis lundi, le comédien Edgar Fruitier pourra recouvrer sa liberté pendant le processus d’appel de sa peine de six mois d’emprisonnement imposée pour avoir agressé sexuellement un adolescent dans les années 70, a déterminé la Cour d’appel du Québec vendredi matin.

« Même en ordonnant une audition accélérée, il y a risque que la peine soit purgée avant qu’un arrêt soit rendu par la Cour », a expliqué le juge Mark Schrager en salle d’audience.

De plus, l’homme de 91 ans a toujours respecté ses conditions de remises en liberté depuis son arrestation et ne présente pas un danger pour la sécurité du public, a fait valoir le juge. Ainsi, la confiance du public envers le système de justice — l’un des critères de la Loi — ne sera pas minée par la libération de l’accusé pendant l’appel.

Edgar Fruitier était un comédien respecté âgé d’une quarantaine d’années lorsqu’il a agressé sexuellement à trois reprises Jean-René Tétreault, un adolescent vulnérable qui le considérait comme un « grand frère ». L’artiste a été condamné à six mois de détention lundi après avoir été reconnu coupable d’attentat à la pudeur l’an dernier.

En imposant une telle peine d’emprisonnement, le juge Marc Bisson a mis en application les principes de l’arrêt Friesen. Cette récente décision de la Cour suprême vise à protéger les enfants en durcissant notamment les peines à l’égard des agresseurs d’enfants. Elle précise aussi qu’un attouchement sexuel constitue une agression sexuelle.

Or, le fait d’appliquer l’arrêt Friesen à des crimes commis « 45 ans avant la décision soulève des questions », estime la Cour d’appel, puisque la Cour suprême justifie son raisonnement en partie par les amendements législatifs des dernières années en matière d’infractions sexuelles.

« La reconnaissance de la gravité de ce genre d’infraction par la société a définitivement évolué. Cependant, tout ceci survient postérieurement à la commission des infractions par [M. Fruitier] », ajoute le juge Schrager.

« On est satisfait de la décision. Il s’agit de ne pas rendre le recours de M. Fruitier totalement illusoire, parce qu’il aurait purgé sa peine », a réagi MGaétan Bourassa, l’avocat du comédien.

Jeudi devant la Cour d’appel, MBourassa a plaidé que la victime d’Edgar Fruitier n’était pas un « enfant au sens de la Loi » dans les années 1970, même s’il avait 15 ans lors de la première agression, étant donné que l’âge du consentement sexuel était fixé à 14 ans. Or, en aucun cas, l’adolescent n’a consenti aux gestes commis par son agresseur en 1974 et en 1976 dans son chalet et son studio d’enregistrement.

Invité à éclaircir ce point en mêlée de presse, MBourassa s’est défendu d’avoir « soulevé la question que la victime avait consentie ».

« [La victime], c’est pas un enfant, c’est un adolescent. […] Cette notion-là de 14 ans, si on l’applique maintenant, ce serait quelqu’un de 17 ans. Je ne pense pas que les critères sont les mêmes entre un enfant de 5 ans et un adolescent de 17 ans. C’est notre vision », a expliqué MBourassa.

L’appel sera plaidé le 17 décembre prochain.

Comédien et animateur admiré pour sa brillante carrière au théâtre et à la télévision, Edgar Fruitier a été déclaré coupable en 2020 de deux chefs d’accusation d’attentat à la pudeur. L’artiste a mis la main sur le pénis d’un adolescent à trois occasions en 1974 et en 1976, alors que le garçon avait 15, puis 17 ans.

« L’accusé a profité de la vulnérabilité de cet adolescent sans considérer pour un instant les lourdes conséquences qu’aurait inévitablement son comportement déviant sur lui », a soutenu lundi le juge Marc Bisson, au palais de justice de Longueuil.