Une ex-agente des services frontaliers de l’aéroport Montréal-Trudeau a provoqué un branle-bas de combat dans les forces policières en relayant par « naïveté » de l’information confidentielle à un proxénète visé par une enquête majeure. Manuelle Duranceau-Lapointe espère maintenant bénéficier de la peine la plus clémente du Code criminel pour son crime.

La femme de 31 ans a plaidé coupable lundi, au palais de justice de Montréal, à une accusation d’abus de confiance par un fonctionnaire public pour avoir transmis de l’information à Verdieu Registre Jr en 2018. Arrêté le printemps dernier à Punta Cana, ce proxénète est soupçonné d’être à la tête d’un important réseau de prostitution opérant au Québec et ailleurs au pays.

Embauchée par l’Agence des services frontaliers du Canada en 2015, Manuelle Duranceau-Lapointe travaille aux douanes de l’aéroport Montréal-Trudeau le 15 mai 2018, lorsqu’elle apprend que son ami d’enfance Verdieu Registre Jr a été dirigé vers la fouille secondaire de l’aéroport.

« Curieuse, elle cherche à savoir pourquoi on l’a référé à la fouille secondaire. Elle apprend alors qu’il fait l’objet d’un avis de guet pour contrebande », indique le résumé des faits. Il était alors peut-être question de « racisme » pour la jeune femme, selon le procureur de la Couronne MDenis Trottier, sans donner plus de détails.

Sans qu’on lui en fasse la demande, Manuelle Duranceau-Lapointe prend l’initiative d’envoyer à son ami une photo du courriel protégé montrant l’avis de guet. « C’est vraiment de la naïveté, elle n’a pas compris la portée de ce geste », a plaidé son avocate, MMarie-Hélène Giroux.

Son geste serait peut-être passé inaperçu si un agent d’infiltration de la police n’avait pas alerté ses supérieurs en voyant circuler le courriel protégé parmi les criminels. Verdieu Registre Jr faisait alors l’objet d’une enquête majeure sur la lutte au proxénétisme, le projet Migration. La GRC a ainsi déclenché une enquête d’envergure pour faire la lumière sur cette fuite d’information sensible.

Arrêtée en octobre 2018, la douanière a aussitôt avoué son crime. De l’avis de la Couronne, sans cet aveu, il aurait été « difficile », voire « impossible » de prouver la culpabilité de Manuelle Duranceau-Lapointe. Par ailleurs, rien dans la preuve ne démontre que l’accusée était « au courant » que Verdieu Registre Jr était visé par une enquête policière.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Verdieu Registre Jr

La Couronne ne demande ainsi aucune peine de détention, mais uniquement un sursis de peine, assorti de 140 heures de travaux communautaires. Dans une brève plaidoirie, Me Trottier relève la bonne collaboration de l’accusée, le caractère « impulsif » de son geste et le risque de récidive « quasi inexistant ». Sa responsabilité est ainsi au « bas de l’échelle ».

Aux yeux de la défense, une absolution inconditionnelle est la peine appropriée, puisque son abus de confiance se trouve à la limite « très, très inférieure » de ce type de crime. « C’était une grande naïveté. Ça a été un coup de réveil pour elle. Elle a une facilité à être victimisée », a plaidé MGiroux.

Depuis son accusation, Manuelle Duranceau-Lapointe vit dans la « honte » et a perdu ses emplois comme douanière, puis à la DPJ. Ça a été « extrêmement douloureux » pour elle, a ajouté MGiroux. Mais la jeune femme s’est maintenant reprise en main. Nouvellement mère, elle est depuis retournée aux études. Or, un casier judiciaire pourrait l’empêcher de se trouver un emploi en travail social, a fait valoir la défense.

La juge Suzanne Costom rendra sa décision la semaine prochaine.