(Montréal) Un tribunal québécois permet à des citoyens d’intenter une action collective de 50 millions contre le gouvernement canadien pour les dommages causés aux berges par la circulation maritime dans une portion du fleuve Saint-Laurent.

Fort de ce jugement rendu cette semaine, des citoyens de Varennes, de Verchères et de Contrecœur peuvent aller de l’avant et franchir toutes les étapes devant les mener à procès. Rien n’est encore décidé et ils devront établir la responsabilité du fédéral pour les dommages causés aux rives de leurs propriétés.

Comme une action collective est une procédure spéciale, un juge doit vérifier si elle respecte des critères spécifiques avant de l’autoriser. Ici, le juge Sylvain Lussier de la Cour supérieure du Québec était de cet avis et lui a donné le feu vert.

Il écrit même, se basant sur d’autres jugements, « que l’action collective est le véhicule privilégié des réclamations de nature environnementale ».

Les citoyens à l’origine de cette demande devant le tribunal possèdent des terrains situés en bordure du fleuve. Ils allèguent qu’ils souffrent, ou sont à risque de souffrir de l’érosion causée par le batillage des bateaux, c’est-à-dire les remous et les vagues qu’ils créent en circulant dans le chenal maritime du fleuve sur cette portion située en Montérégie.

Leur action a été déposée au nom de tous les propriétaires de terrains en bord du fleuve qui sont à moins de 610 mètres du chenal, dans les trois municipalités visées.

La source de ce litige remonte au début des années 1900, lorsque le gouvernement fédéral a décidé de creuser un chenal maritime qui permet aux navires commerciaux de circuler plus aisément dans le fleuve, entre l’océan Atlantique et les Grands Lacs.

Au fil des ans, le fédéral a érigé des barrières afin de protéger les berges à des endroits particulièrement fragiles, mais il a commencé à se désengager de cette responsabilité dès 1976 et, en 1997, il a transféré cette responsabilité entière aux propriétaires riverains, est-il allégué dans l’action.

Or, beaucoup d’ouvrages réalisés ont dépassé leur durée de vie utile et d’autres sont en voie de l’être : les berges recommencent à être érodées ou seront bientôt à risque de l’être. De plus, certains secteurs n’ont jamais été protégés, font valoir les citoyens qui portent cette demande en justice.

Selon eux, le gouvernement du Canada, en tant que propriétaire ou occupant du chenal, cause à ses « voisins » de graves dommages. Bref, il s’agit d’une action fondée sur les « troubles de voisinage » engendrés par l’activité maritime.

L’érosion ne serait pas aussi importante si le fleuve était resté dans son état naturel, prétendent-ils.

Le Procureur général du Canada se défend en soutenant notamment qu’il n’est pas « un voisin » et ajoute que le lit du fleuve appartient à l’État du Québec — et pas à lui. C’est pourquoi les citoyens se basent aussi sur le fait que le gouvernement canadien est un « occupant » du fleuve, car il y fait des travaux et le transforme.

Il reviendra au juge du procès de déterminer si le fédéral est bel et bien « un voisin », tranche le juge Lussier dans son jugement. Il devra aussi établir si les inconvénients subis par les propriétaires de par le batillage des bateaux sont « anormaux et intolérables » de façon à engendrer la responsabilité du gouvernement.

Les citoyens réclament ainsi une indemnité pour la perte de terrain et pour les coûts déjà encourus pour la protection de leurs berges. Ils demandent aussi au juge de trancher si le fédéral sera responsable pour l’avenir des coûts d’érection et d’entretien des ouvrages de protection.