Un ancien psychoéducateur de Montréal a été condamné mercredi à une très lourde peine de 18 ans de prison pour avoir acheté une fillette de 8 ans en Afrique afin de l’exploiter sexuellement.

Sylvain Villemaire a fait de la fillette son esclave sexuelle pendant trois ans, de 2015 à 2018. La peine imposée par le juge Pierre Labelle est une peine record au Québec en matière de crimes sexuels envers des mineurs.

L’homme n’est pas autorisé à entrer en contact avec la victime, et ne peut utiliser de façon récréative l’internet ou tout autre réseau numérique pour une période de 25 ans.

Puisque M. Villemaire est détenu depuis le mois de mai 2018, il lui reste un peu plus de 13 ans de prison à purger.

En février dernier, l’homme de 60 ans a été déclaré coupable de distribution de pornographie juvénile et de traite de personne mineure. À l’ouverture de son procès, en septembre 2020, M. Villemaire avait plaidé coupable à plusieurs chefs d’accusation concernant des crimes de nature sexuelle, soit possession de pornographie juvénile, contacts sexuels et incitation à des contacts sexuels d’un enfant.

La procureure de la Couronne, MAmélie Rivard, a présenté une requête pour que le pédophile soit reconnu comme délinquant dangereux. Cette demande sera entendue le 12 octobre prochain. MRivard n’a pas souhaité commenter la peine imposée jeudi, car le dossier n’est pas encore clos.

La fillette devait être « la femme de M. Sylvain ». Le pédophile lui avait fait signer un « contrat » dans lequel elle s’engageait à ce qu’il puisse lui faire « ce qu’il veut, comme il veut et quand il veut ». La victime était agressée trois ou quatre fois par semaine. Une femme adulte invitée par le pédophile a participé à une reprise à une agression sexuelle.

Lorsque la fillette ne se soumettait pas aux sévices de M. Villemaire, il la menaçait de la « ramener » dans son pays d’origine. Le coupable a fait venir sa victime d’Afrique jusqu’au Canada au moyen d’un visa étudiant. Il s’agirait du premier cas de la sorte au Canada concernant la traite de mineur à l’étranger.

M. Villemaire a utilisé sa victime, déracinée et sans repères, comme un objet. La jeune fille, aujourd’hui âgée de 14 ans, a indiqué vouloir laisser cette histoire derrière elle.

« Force est de constater qu’elle commence sa vie avec un très lourd fardeau, fardeau qui a été placé sur ses épaules uniquement par les gestes posés par le délinquant. Encore une fois, je ne veux pas être alarmiste ou particulièrement pessimiste, mais l’avenir de cette jeune femme apparaît lourdement hypothéqué. Je lui souhaite du courage », a affirmé le juge Labelle, au palais de justice de Montréal.

C’est lors d’une perquisition des policiers chez Sylvain Villemaire que la fillette a été libérée des griffes du prédateur. Les agents avaient découvert qu’il diffusait des éléments de pornographie juvénile sur le web. Au final, l’homme possédait 8000 photos et 95 vidéos de pornographie illustrant des mineures.

« Incapacité d’empathie »

Sylvain Villemaire n’a pas conscience de la gravité de ses gestes, selon le tribunal. « Il pousse l’audace en disant que puisqu’il avait une relation de confiance vis-à-vis cette dernière, les gestes et les conséquences sont beaucoup moins graves. Cela témoigne d’une incapacité d’introspection, d’une incapacité d’empathie, si ce n’est pas une distorsion cognitive », a lancé le juge.

Le pédophile a aussi affirmé vouloir reprendre contact avec sa victime. Un énoncé que le juge Labelle a interprété comme « une volonté de reprendre le contrôle sur cette dernière ».

Le juge Labelle estime que le risque de récidive du délinquant est plus élevé parce qu’il ne reconnaît pas la gravité de ses gestes et qu’il souhaite reprendre contact avec celle qu’il a agressée.

Sylvain Villemaire a travaillé près de 15 ans à l’école secondaire Calixa-Lavallée, située dans l’arrondissement de Montréal-Nord.

Une ordonnance de non-publication protège l’identité de la victime et certains détails de l’affaire.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse

Une peine « exemplaire »

Depuis le mouvement #moiaussi, les yeux de la population sont braqués sur le système judiciaire, évoque Sophie Gagnon, directrice générale de la clinique juridique Juripop. Des victimes ont été déçues des acquittements en matière d’agression sexuelle survenus dans des dossiers médiatisés.

« De voir des condamnations et des peines exemplaires, ça montre que le système de justice peut rendre des personnes qui ont commis des crimes sexuels imputables de leurs actions », affirme Mme Gagnon, en réaction à la peine reçue par Sylvain Villemaire.

« On le voit particulièrement dans le cas des crimes sexuels contre les mineurs, il y a un désir d’envoyer un message clair que la société condamne ces actes-là, puis je pense que c’est dans cet esprit-là que la peine a été prononcée », renchérit la directrice de Juripop.

Toutefois, « ça va prendre beaucoup plus qu’une peine, aussi exemplaire soit-elle, pour rétablir ce lien de confiance qui est brisé envers le système de justice », affirme Roxane Ocampo, responsable des communications pour le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS).