Le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) enquête sur la mise en circulation, sur les réseaux sociaux, d’une vidéo sur laquelle un jeune homme, qui vient d’être arrêté pour possession d’arme, offre à un enquêteur de l’aider à saisir des armes et de la drogue, publication qui met sa vie en danger.

Cette affaire, dont La Presse a été informée, est doublement épineuse, car la vidéo semble provenir d’une preuve divulguée mais non déposée devant les tribunaux, et se serait mise à circuler sur les réseaux sociaux à peine quelques heures après la divulgation.

« Nous confirmons la tenue d’une enquête pour entrave à la justice, intimidation et menaces. Nous travaillons étroitement avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Nous prenons la situation très au sérieux. Le but de l’enquête est de déterminer la source de cette fuite et de traduire le responsable en justice », a déclaré le porte-parole du SPAL, Jean-Pierre Voutsinos.

Selon nos informations, le jeune homme, âgé de 20 ans, qui est toujours détenu, serait protégé en prison, ce que n’a toutefois pu nous confirmer M. Voutsinos.

Une preuve est divulguée lorsque la poursuite la remet à la défense après l’arrestation d’un suspect, au moment de la comparution de ce dernier ou un peu après. Elle devient publique une fois qu’elle est déposée en cour.

« Je vais vous aider »

Dans ce cas-ci, le jeune homme a été arrêté dans la nuit de vendredi à samedi. Il a comparu et a été accusé de possession d’une arme prohibée, de voies de fait et d’agression armée dans la journée de samedi. Or, dès mardi, la déclaration vidéo qu’il a faite à un enquêteur dans les heures qui ont suivi son arrestation se serait mise à circuler sur les réseaux sociaux.

Il a été arrêté avec un autre individu au Quartier DIX30 alors que les deux hommes venaient de se disputer avec des clients d’un bar. Il avait une arme chargée sur lui et aurait été sous l’effet de l’alcool et de la drogue.

Après son arrestation, un enquêteur l’a interrogé dans une salle du quartier général du SPAL. La scène a été filmée. Ce n’est toutefois qu’un court passage très compromettant de 50 secondes de cet interrogatoire qui apparaît sur la vidéo d’une durée totale de 1 min 16 s qui circule sur les réseaux sociaux.

« Écoute, mon ami, moi, je veux que tu m’aides, c’est ça que je veux. Je veux que tu m’aides à pogner un deal avec la procureure », lance le suspect à l’enquêteur.

« Je vais vous aider. Je vais vous ramener à eux parce que moi, vous m’avez arrêté avec une petite arme à feu ce jour-là. T’en veux, cinq ou six armes à feu ? Tu veux en pogner, de vraies armes à feu ? Tu veux aller pogner les maisons où y a ça ? La coke ? »

À la place de venir emmerder de petites personnes comme moi, man, ben, je vais vous aider si cela peut permettre que vous me laissiez tranquille là, parce que je veux changer ma vie, c’est pour ça que je vous le demande.

Le suspect s’adressant à l’enquêteur, dans la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux

La vidéo, sur laquelle le mot « rat » apparaît, contient d’autres éléments compromettants pour le jeune homme, notamment son nom et sa date de naissance.

Son avocate troublée

« Nous sommes troublés. La preuve dans un dossier n’a pas à se retrouver sur les réseaux sociaux », a déclaré MMarie-Hélène Giroux, dont le bureau, plus particulièrement MCynthia Payer, représente le jeune homme qui se retrouve en mauvaise posture.

Le bureau de MGiroux a pris connaissance de la preuve mercredi alors que la vidéo aurait déjà commencé à circuler depuis la veille sur les réseaux sociaux.

L’autre individu arrêté en même temps que le suspect de la vidéo, et qui est accusé de voies de fait et d’agression armée mais pas de possession d’arme, a obtenu sa liberté provisoire après avoir déposé une somme de 500 $ et accepté de respecter des conditions.

Son avocate, MNoémi Tellier, n’a pas voulu se prononcer publiquement sans s’être entretenue avec son client et avoir eu toute l’information.

Au moment d’écrire ces lignes, la porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales, MAudrey Roy-Cloutier, n’était pas en mesure de commenter la situation. Une telle affaire intéressera sûrement le Barreau.

« Je n’ai jamais vu cela », a quant à lui réagi un criminaliste montréalais aguerri, MYves Ménard.

Avec Patrick Lagacé, La Presse

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.