Avant les meurtres de Vincenzo et de Giuseppe Falduto commis sur son terrain à Saint-Jude le 30 juin 2016, Marie-Josée Viau a rencontré Andrew Scoppa. Les deux ont discuté seul à seul, et le mafieux a approuvé l’élimination des deux frères.

C’est notamment ce qui est ressorti du témoignage d’un ancien tueur à gages devenu taupe pour la police, lundi matin, au procès devant jury de Viau et de son conjoint, Guy Dion, accusés d’avoir comploté les meurtres des frères Falduto et d’y avoir participé.

Deux ans et demi après les assassinats, le tueur à gages – qui a assassiné les frères Falduto et qu’on ne peut nommer en raison d’un interdit de publication – a communiqué avec la Sûreté du Québec (SQ) pour aider les enquêteurs à résoudre les meurtres.

Il a pris part à cinq scénarios d’infiltration auprès de Viau et de Dion et les a enregistrés à leur insu, à l’aide d’un dispositif d’enregistrement portatif.

MPascal Lescarbeau, de la poursuite, a fait écouter plusieurs de ces conversations au témoin, qui a ensuite donné son interprétation.

On a notamment appris qu’avant les meurtres des Falduto, Marie-Josée Viau a rencontré Andrew Scoppa, qu’elle appelle Andrew dans les conversations.

« Andrew me l’avait confirmé par rapport à ces deux gars-là. J’avais été porter quelque chose à Andrew, à Laval, juste avant que ça se passe. Andrew lui-même m’avait confirmé ça de vive voix. J’étais assis à côté et y avait personne à table à pique-nique. Me confirme que tout était correct. Que tout ce qui était cédulé, c’était correct », dit notamment l’accusée à la taupe alors qu’elle était enregistrée sans le savoir.

« Elle valide qu’Andrew a confirmé que c’était correct que les deux frères soient tués et qu’ils le méritaient », a interprété l’ancien tueur à gages devant le jury.

Jamais au téléphone

Durant les conversations, il est question d’une rencontre qui n’a jamais eu lieu avec un certain Victor, que le témoin a identifié comme étant Victor Mirarchi.

Marie-Josée Viau dit être allée porter une arme à Andrew, alors que ce dernier était en dispute avec son frère Salvatore, et que son conjoint et elle avaient déjà reçu d’un individu surnommé Brad Pitt un appareil de communications cryptées.

« On s’entend qu’on ne parle pas de ça sur le téléphone et qu’on ne se texte pas non plus. On sait comment ça marche », dit-elle en riant à la taupe à un certain moment.

Elle affirme aussi avoir gardé un véritable arsenal et des explosifs sur sa propriété, et que le couple devait recevoir pour ce service 1000 $ par mois qu’il n’aurait jamais eus. « On aurait pu tout sauter. J’avais de quoi aller à la guerre », dit-elle lors d’une conversation.

Elle parle également en détail de la façon dont son conjoint et elle ont fait disparaître les traces des meurtres, les corps des frères Falduto et l’Audi dans laquelle ceux-ci s’étaient déplacés avant d’être assassinés.

Les corps ont été brûlés durant des heures, à l’air libre, le sol sous le foyer a été gratté, et les cendres et la terre ont été jetées dans la rivière. De l’eau de Javel a été versée en forte quantité sur le plancher du garage, même encore régulièrement jusqu’en 2019. La voiture occupée par les frères a été déplacée par Guy Dion en pleine nuit chez un ferrailleur du coin qui l’a découpée.

« Ça a pris la journée au complet, il fait 40 degrés dehors. On a approché la hose. Tout était set-uppé », explique notamment Marie-Josée Viau sur les enregistrements.

« Tu peux dormir tranquille pour ton ADN », renchérit Dion, s’adressant à la taupe.

« Guy lit de façon attentive les journaux. On se met au parfum. On avait du potentiel, on a du potentiel. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est l’intermédiaire.

« Moi, je suis le cerveau, lui, c’est les bras. Je lui ai dit : “On va faire ça.” Il me demande : “C’est quoi, le pourcentage de réussite ?” Je lui dis 99 %. C’est exactement ce qui s’est passé », affirme Marie-Josée Viau durant une autre conversation enregistrée.

Guerre de pouvoir

Au cours de son témoignage, l’ex-tueur à gages a expliqué qu’au moment des meurtres, en 2016, Andrew Scoppa et Victor Mirarchi étaient ensemble, que Salvatore Scoppa se trouvait à un niveau supérieur, mais qu’il y avait des « chicanes » entre ces Calabrais. Il a ajouté que Rocco Sollecito était le représentant des Siciliens, mais que le vrai chef était « Leo ».

Il a également dit qu’une fois que Marie-Josée Viau et Guy Dion auraient terminé leur collaboration, Brad Pitt leur aurait promis qu’un certain Enzo leur trouverait du travail dans une entreprise de nettoyage de Raynald Desjardins.

L’ex-tueur à gages a dit avoir prévenu les policiers que Salvatore Scoppa se ferait tuer lors d’une première communion et qu’il y aurait eu une taupe à la SQ.

Même s’il aurait demandé jusqu’à 1,6 million de dollars, il a signé un contrat de 450 000 $ avec l’État, en plus de recevoir une somme de 30 000 $ lui permettant de subir une opération.

Le témoin a été très dur à l’endroit de dirigeants de la SQ et d’un officier en particulier qui, selon lui, n’ont pas tenu leurs promesses, notamment au niveau de médicaments qu’il devait recevoir, de paiements qui auraient été versés en retard et de plaintes pour agressions sexuelles et contre une ancienne conjointe qui n’auraient été traitées.

« Ça n’a jamais été une négociation, ç’a toujours été une dictature », a-t-il déclaré.

On ne sait pas encore quand débutera le contre-interrogatoire du témoin. Le procès fait relâche pour le reste de la semaine, le juge Éric Downs de la Cour supérieure ayant convoqué le jury pour lundi prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.