Un jeune rappeur populaire au passé trouble lié aux armes à feu est la 17victime d’homicide à Montréal cette année. Tué dimanche soir dans Villeray à l’âge de 22 ans, Duckerns Pierre Clermont – connu sur la scène musicale comme Jeune Loup – est la nouvelle victime de cette flambée de violence par armes à feu attribuable à des conflits entre gangs de rue.

Ces conflits entre gangs de rue émergents ou individus liés aux gangs ont vraisemblablement fait augmenter le nombre de meurtres commis depuis le début de l’année à Montréal, comparativement à l’an dernier. Le plus récent épisode a coûté la vie à un jeune rappeur, en fin de soirée dimanche, dans le quartier Villeray.

Il s’agit du 17meurtre de l’année dans la métropole québécoise, comparativement à 13 pour la même période l’an dernier.

Selon nos informations, Duckerns Pierre Clermont aurait été lié à un gang de rue émergent d’allégeance bleue du quartier Villeray. On ignore le mobile du crime pour le moment. Un autre jeune rappeur, avec lequel Pierre Clermont a déjà effectué des duos, a été victime d’une tentative de meurtre par balles au début du mois dans le nord-est de Montréal.

Pierre Clermont était en attente de procès dans trois affaires : une de menaces de mort et de non-respect de condition datant de juin dernier, une autre de menaces et d’agression armée par étranglement datant de novembre 2020 et une troisième de menaces et de voies de fait datant de février 2020.

En février 2020, il a également été accusé de trafic de stupéfiants et de possession d’une arme à autorisation restreinte maquillée. Il était demeuré détenu jusqu’en septembre, mais avait ensuite été libéré des accusations parce que le juge avait exclu la preuve amassée, puisque les policiers avaient perquisitionné sans mandat dans le logement et les poches des vêtements de Pierre Clermont, dans lesquels ils avaient trouvé des balles de calibre 22 et une arme chargée.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

La chaussée de la rue Cartier était tachée de sang, lundi après-midi.

Vers 21 h 45 dimanche soir, des témoins ont composé le 911 pour des coups de feu à l’angle de la rue Marquette, près du boulevard Crémazie.

À leur arrivée, les policiers ont effectué des recherches et retrouvé Duckerns Pierre Clermont à l’intersection de la rue Cartier et du boulevard Crémazie.

Des manœuvres de réanimation ont été effectuées, mais le décès a été constaté sur place.

Un périmètre de sécurité a été érigé dans la rue Cartier, qui a été fermée entre la rue Jarry et le boulevard Crémazie.

Des enquêteurs ont été appelés sur place pour interroger des témoins et faire la lumière sur les circonstances entourant l’évènement.

Aucune arrestation n’a été faite pour le moment.

Rencontré sur les lieux du drame lundi, Khursid Alam Khan, résidant du quartier, s’est dit préoccupé par les évènements.

J’ai peur. Personne n’aime que ça arrive dans le quartier. C’était un être humain. Si quelqu’un commet un crime, oui, il doit être puni, mais personne ne devrait être tué.

Khursid Alam Khan, résidant du quartier

L’homme dit avoir entendu des bruits s’apparentant à une mitraillette. « Je suis allé voir par la fenêtre, mais je n’ai rien vu », dit-il. Quelques minutes plus tard, des voitures de police ont bouclé le secteur, affirme-t-il.

Wooi Min Tan, qui habite à quelques mètres de la scène de crime, est surpris qu’un tel évènement se soit produit dans le quartier. « La nuit dernière, ma fille n’allait pas bien. Elle était très stressée. J’ai essayé de la rassurer », raconte-t-il.

Entre criminalité et recrue « rap queb » à suivre

En dépit de ses antécédents, Duckerns Pierre Clermont, qui faisait carrière sous le nom de Jeune Loup, a réussi à atteindre une certaine notoriété. Il était un des cinq artistes de « rap queb » à suivre en 2021, selon un article du magazine P & M (Paroles & Musique) de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN).

L’artiste connaissait une montée en flèche de popularité depuis le lancement de sa pièce Back sur le BS en octobre 2018. Mais cet élan a été accompagné de très sérieux démêlés judiciaires, et il a été détenu de février à septembre 2020. Au magazine P & M, Jeune Loup déclarait avoir perdu huit mois de sa vie, mais se disait heureux de ne pas avoir de casier criminel.

Jeune Loup a vite attiré l’attention dans le monde du rap et a participé à plusieurs collaborations. Lundi, des milliers de musiciens et de fans ont exprimé leur chagrin sur les réseaux sociaux.

Ainsi, l’artiste Mike Shabb (ruggedshabbo) a mis en ligne sur Instagram une vidéo de Jeune Loup et lui avec la mention : « LOVE YOU 4 LIFE » et quelques mots pour affirmer que la musique qu’ils avaient faite ensemble « va rester pour l’éternité ».

« Jeune Loup est quelqu’un d’assez coloré, indique Samuel Daigle-Garneau, rédacteur en chef de la revue HHQC. Il s’est beaucoup inscrit dans la vague des SoundCloud Rappers. Beaucoup d’artistes explosent sur cette plateforme. Et Jeune Loup a un peu amené cette vague au Québec. »

« Je le connaissais pas personnellement, mais faudrait que ces actes arrêtent… C’est quand même un artiste qui était émergent dans la ville », a aussi affirmé le rappeur Salimo.

Après le lancement du clip Back sur le BS (385 000 visionnements), Jeune Loup a enchaîné avec la sortie des albums Rx et Rx archives, produits par Mike Shabb. Une des pièces, Sensuelle, est devenue virale sur TikTok.

Cette chanson [Sensuelle] dépasse maintenant plus de 4 millions d’écoutes sur Spotify. La pièce était sortie avant, mais a fait un buzz sur TikTok. Il en a fait par la suite un vidéoclip.

Samuel Daigle-Garneau, rédacteur en chef de la revue HHQC

Dès sa sortie de prison à l’automne 2020, Jeune Loup a lancé la pièce au titre évocateur First Day Out. Selon le magazine P & M, il avait un nouveau projet d’album intitulé Slime contre le monde.

Le 31 mars dernier, les organisateurs de la 16édition du Festival de la relève indépendante musicale en Abitibi-Témiscamingue (FRIMAT) annonçaient la présence de Jeune Loup parmi les vedettes de l’édition 2021 (du 22 au 24 juillet) présentée à Val-d’Or. Mais ils ont par la suite retiré leur invitation à la suite des nouvelles accusations portées contre lui devant le tribunal.

La mairesse réagit

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a réagi à la fusillade survenue dimanche. « Je suis aussi choquée, à chaque fois qu’un tel évènement se produit. On ne veut pas ça à Montréal et on ne veut pas ça nulle part », a-t-elle affirmé en conférence de presse lundi après-midi.

« On est face à des réseaux criminels qui opèrent différemment, qui ont changé leurs méthodes au fil du temps et qui, en plus, ont profité de la fin de certaines mesures sanitaires et du beau temps pour vraiment être en train de faire des règlements de comptes, alors ça nous préoccupe énormément », a-t-elle déclaré.

Elle a ensuite invité toute personne ayant des informations sur les différentes fusillades à communiquer avec les autorités. « Même si vous avez l’impression que ce n’est pas important, ça se peut que ça vienne être le petit morceau de casse-tête qui va venir compléter le casse-tête au complet, donc n’hésitez pas. »

Rappelons que mercredi dernier, la Sûreté du Québec (SQ) et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont annoncé la formation d’une équipe pour lutter contre le trafic d’armes à feu dans le Grand Montréal.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.