Le policier montréalais Roger Fréchette, accusé d’avoir agressé sexuellement une femme de Gatineau qui venait de sortir de détention pour ivresse publique, a bel et bien reconduit cette dernière à son hôtel de la rue Sherbrooke après son quart de travail. Il est même resté dans sa chambre plusieurs minutes. Mais il assure être parti après que la plaignante a mis sa main sur son pénis et s’est dévêtue pour prendre une douche.

C’est la seule et unique fois en 10 ans de travail, comme agent de détention au Centre opérationnel Sud du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), que le policier interagissait avec un détenu de la sorte après son quart de travail. « Je m’étais investi avec elle [pendant sa détention]. Je connaissais ses conditions. Je me sentais responsable [d’elle] », a-t-il expliqué lors de son témoignage mercredi.

La femme, dont l’identité est protégée par un interdit de publication, avait été arrêtée au centre-ville de Montréal le 18 février 2019, lors d’une altercation avec son fiancé de l’époque, avec qui elle venait d’avoir une soirée très arrosée pour la Saint-Valentin.

Elle était extrêmement agressive avec les policiers lors de son arrestation, ont témoigné deux agents du SPVM. Des sangles de contention ont dû être utilisées pour la maîtriser lors de son transport vers le centre de détention.

Une fois en cellule, au Centre opérationnel Sud, elle était désorganisée et hurlait constamment. Elle s’est complètement dévêtue, gardant uniquement son soutien-gorge. Le policier Roger Fréchette, qui était du quart de nuit, est intervenu auprès d’elle pour la calmer. « Elle n’avait aucune inhibition, aucune gêne », a-t-il expliqué à la juge Lori Renée Weitzman.

Elle s’est plus tard dénudée complètement, a insisté pour qu’il lui prenne la main – ce qu’il a refusé. Elle s’est aussi exhibé les seins dans les barreaux de sa cellule. Aucune femme policière n’était de quart pour faire l’intervention ce soir-là.

« Les autres détenus disaient : “Faites-la taire ! Faites-la taire !”, a témoigné le policier. Tant que j’étais avec elle, elle était calme. »

La femme lui aurait dit, lors d’une des interactions, qu’elle n’avait pas d’argent, qu’elle ne connaissait pas la ville et qu’elle ne savait pas où se trouvait son hôtel.

Peu avant la fin de son quart, M. Fréchette a constaté qu’elle avait dégrisé et repris ses moyens, et a avisé l’équipe de détention de la libérer.

« Je voulais juste aider »

Immédiatement après son quart, il s’est rendu à sa voiture personnelle. En constatant la température glaciale de février, il a voulu s’assurer que la femme savait comment retrouver son hôtel. Il a donc attendu qu’elle sorte du poste de police. Elle en est ressortie avec un petit chandail de laine, alors qu’il faisait 20 degrés sous zéro. Aucun billet d’autobus ne lui avait été fourni par les policiers. Comme elle ne savait pas si son hôtel se trouvait sur la portion est ou ouest de Sherbrooke, le policier lui a offert de monter à bord de sa voiture et de l’aider à trouver l’endroit. « Elle était en détresse et désemparée, a-t-il dit. Je voulais juste aider. »

En arrivant à l’hôtel, il a voulu s’assurer que les employés lui ouvriraient la porte, puisqu’elle avait perdu ses clés. Quand ce fut fait, elle l’a invité dans la chambre. « Elle m’a dit : “J’ai besoin de parler”. »

« C’est un peu niaiseux, j’aurais pas dû faire ça », a-t-il reconnu lorsque son avocat, MFélix Rémillard-Larose, lui a demandé pourquoi il avait accepté l’invitation de la femme.

Selon son témoignage, la femme a fini par sortir une bouteille d’alcool, lui a demandé son téléphone cellulaire pour faire jouer de la musique, et lui a demandé de la ramener à Gatineau ou de lui donner 150 $ pour un billet de train. Le policier a alors décidé de partir. Il dit qu’elle s’est alors interposée, qu’elle lui a léché l’oreille et qu’elle a mis sa main sur son pénis. « Ma réaction a été de la repousser immédiatement », a-t-il affirmé. Lorsqu’il est allé à la salle de bains pour se laver le côté du visage, la femme s’est dévêtue et est entrée dans la douche. « Je suis allé chercher mon cellulaire et suis parti, et je ne suis pas revenu », a déclaré M. Fréchette.

Le lendemain matin, la femme a eu plusieurs interactions avec le gérant de l’hôtel, Frédéric Cayen, pour organiser son départ. Elle a dit « qu’elle aurait pu avoir quelque chose de plus avec le policier si elle avait voulu », a dit M. Cayen lors de son témoignage.

Le contre-interrogatoire du policier se poursuit ce jeudi.