Il s’agit du premier procès criminel d’un policier à la suite d’une plainte déposée par le Bureau des enquêtes indépendantes

Un agent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est devenu lundi le premier policier à subir un procès criminel à la suite d’une plainte déposée par le Bureau des enquêtes indépendantes. La plaignante, brièvement incarcérée lors d’une soirée arrosée, l’accuse de l’avoir agressée sexuellement dans sa chambre d’hôtel, où le policier l’aurait conduite dans sa voiture personnelle à sa sortie de prison.

L’accusé, Roger Fréchette, âgé de 56 ans, n’a pas encore donné sa version des faits. Il est suspendu avec salaire jusqu’à nouvel ordre.

Des éléments de preuve provenant notamment des caméras de surveillance du centre de détention sud du SPVM ainsi que de la Place Dupuis, au centre-ville de Montréal, doivent être présentés ce mardi lors de la suite du procès.

La plaignante, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication, s’était rendue au centre-ville avec son ancien conjoint pour fêter la Saint-Valentin, le 18 février 2019. Après avoir bu du vin à sa chambre d’hôtel et pris « quelques verres » dans un pub du centre-ville, le couple a eu une altercation en pleine rue. Des policiers sont rapidement intervenus, arrêtant l’homme et la femme. Les vêtements de cette dernière auraient été déchirés lors de l’intervention musclée, pendant laquelle elle affirme avoir uriné sur elle.

Elle dit souffrir d’un syndrome post-traumatique qui provoque chez elle des épisodes de « dissociation » lorsqu’elle subit un stress intense — « je déconnecte », a-t-elle expliqué à la juge Lori Renée Weitzman —, ce qui fait en sorte qu’elle a oublié plusieurs éléments du fil des évènements.

Elle se souvient avoir repris conscience de la situation une fois en cellule, au centre de détention sud. Selon son récit, le policier Fréchette s’est présenté à plusieurs reprises devant sa cellule et lui a fourni des vêtements propres pour qu’elle se change.

Il m’a regardée me changer et a fait des commentaires à propos de mes parties génitales

Extrait du témoignage de la plaignante

Elle dit avoir aperçu son nom, « Roger », sur son badge d’identification, qui dépassait de sa poche. Elle lui aurait alors demandé ce qu’il trouvait d’attirant de la voir « comme un animal en cage ». « Il a répondu : “C’est ce que j’aime” », a-t-elle soutenu.

La femme a fini par être libérée de prison au petit matin et mise à l’amende pour ivresse publique. Ne trouvant pas son manteau, elle n’avait qu’un chandail kangourou sur le dos en sortant du poste de police dans le froid de février. C’est alors qu’elle a vu une voiture lui faisant un appel de phares. Au volant de la « petite voiture compacte grise » se trouvait Roger Fréchette, habillé en civil, qui lui aurait offert de l’accompagner jusqu’à son hôtel.

En arrivant sur place, elle aurait averti un employé de l’hôtel qu’un policier se trouvait avec elle.

Il l’aurait accompagnée à sa chambre, où il aurait insisté pour qu’elle prenne une douche. Selon le témoignage de la plaignante, il aurait alors commencé à sentir son cou et à le lécher, en lui prenant les parties intimes et les seins. Il lui aurait aussi mis la main sur son pénis en érection.

Il a dit à plusieurs reprises qu’il risquait de perdre son emploi, qu’il avait une femme et quatre enfants, et m’a demandé si j’avais dit à l’employé de nuit de l’hôtel que j’étais avec un policier.

Extrait du témoignage de la plaignante

La femme ne se souvient pas à quel moment le policier est reparti ni de la suite des évènements. À son réveil le lendemain, elle dit avoir utilisé l’ordinateur du hall de l’hôtel pour organiser son retour chez elle avec l’aide d’une amie. Elle affirme avoir appelé le 911 dans les jours qui ont suivi et avoir tardé à en parler en détail à ses proches.

Son contre-interrogatoire devrait avoir lieu ce mardi matin.

Le Bureau des enquêtes indépendantes, qui a mené l’enquête, a été institué en 2013 par le gouvernement du Québec. Cette « police des polices » est entièrement indépendante des corps policiers de la province. L’enquêteur qui a piloté le dossier est Marc Pigeon, ancien journaliste et cadre du Journal de Montréal.