L’ex-tueur à gages de la mafia devenu taupe pour la police durant l’enquête sur les meurtres de Vincenzo et Giuseppe Falduto commis à l’été 2016 a, dès le début de sa collaboration avec les policiers, avoué avoir tué les deux frères et Rocco Sollecito.

« Il a dit avoir commis trois meurtres dans deux évènements distincts », a déclaré jeudi matin un enquêteur de la Sûreté du Québec, Stéphane Malenfant, au procès devant jury de Marie-Josée Viau et de Guy Dion, accusés d’avoir comploté et d’avoir participé aux assassinats des frères Falduto.

Selon les prétentions de la poursuite, c’est cet ex-tueur à gages de la mafia, devenu agent civil d’infiltration (ACI) pour la police, qui a tué les deux frères dans le garage de la propriété de Marie-Josée Viau et de Guy Dion, sur le rang Salvail Sud, à Saint-Jude, près de Saint-Hyacinthe, le 30 juin 2016. Par la suite, le couple aurait brûlé les corps à ciel ouvert durant plusieurs heures avant de jeter les cendres dans une rivière et de faire disparaître toute trace du crime.

Les enquêteurs étaient dans l’inconnu jusqu’à ce que deux ans et demi plus tard, en décembre 2018, le tueur à gages se manifeste et annonce qu’il avait de l’information sur des meurtres.

Il a ensuite accepté de collaborer avec la police et de porter un dispositif d’enregistrement et une caméra cachée pour confronter les suspects, dont Marie-Josée Viau et Guy Dion, et les compromettre.

Durant l’enquête à l’été 2019, l’ACI a pris part à 17 scénarios d’infiltration, dont 5 avec le couple Viau-Dion, les 4, 8, 14 et 19 juillet et le 24 août. L’un d’eux a eu lieu dans un restaurant où travaillait Marie-Josée Viau, à Saint-Basile-le-Grand. Une des stratégies était que l’ACI approche Marie-Josée Viau pour ses talents de comptable pour inclure cette dernière dans un projet de cannabis.

Autorisé à comploter

Lorsqu’il a commencé à collaborer avec la police en janvier 2019, l’ACI a fait une déclaration de vie criminelle de 15 pages et au moins trois déclarations vidéo assermentées (KGB). L’enquêteur Malenfant, qui a été contrôleur de l’ACI, a dit que ce dernier a dressé une liste de meurtres auxquels il a participé ou non, et fourni des noms de suspects potentiels. « C’était plus difficile pour lui de parler des meurtres des frères Falduto », a dit le témoin.

Ce dernier a aussi expliqué au jury qu’un article de la loi a permis à l’ACI de commettre des crimes alors qu’il collaborait avec les policiers. M. Malenfant a notamment précisé que si l’ACI était approché par une tierce personne pour commettre un meurtre, il pouvait en discuter avec cette personne, pour tenter d’en savoir plus long et le rapporter à la police.

« Il peut discuter d’un complot de meurtre à venir, mais il ne peut pas débuter la conversation. Il se doit de poursuivre cette discussion-là pour poursuivre l’infiltration. S’il avait refusé d’en parler, il aurait pu être brûlé », a expliqué l’enquêteur, qui a aussi donné l’exemple d’un projet d’ouverture d’un commerce de vente de cannabis que l’ACI avait déjà commencé à développer avec un certain Albert Krespine et que les policiers lui ont permis de poursuivre, pour ne pas soulever les doutes sur sa collaboration avec la police.

M. Malenfant a aussi raconté que durant l’enquête, l’ACI a voulu collecter les dettes qu’il avait dans la rue-dont l’une contractée par le Hells Angels Gilles Lambert-parce qu’il n’avait pas assez d’argent pour payer son loyer, sa nourriture, ses vêtements et son cannabis, mais que les policiers l’ont découragé de le faire.

Une collaboration tumultueuse

Au début de février 2019, l’ACI a voulu que les policiers priorisent des plaintes qu’il leur a faites pour des agressions sexuelles dont il aurait été victime dans le passé. « Son désir de vouloir collaborer avec la police ne semblait plus assez fort, ont noté les policiers », a dit l’enquêteur Malenfant, selon lequel les policiers ont alors annoncé à l’ACI que la collaboration était terminée.

Mais l’ACI a voulu poursuivre la collaboration et les enquêteurs ont accepté en lui disant toutefois qu’il devait respecter des conditions jusqu’à ce qu’il soit retiré des opérations.

MNellie Benoit, de la défense, a posé beaucoup de questions au témoin, laissant croire que la relation entre l’ACI et ses policiers contrôleurs a été tumultueuse, et a même mené à une interruption du processus le 25 avril 2019. À cette époque, l’ACI a tenu des propos suicidaires, a eu une discussion orageuse avec l’un de ses contrôleurs sous une pluie battante et a rencontré des intervenants en santé mentale.

Le procès se poursuit vendredi matin.

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