Des voleurs armés de pistolets ou de revolvers ont commis depuis le mois d’avril une série de braquages dans des boutiques de téléphones cellulaires de la région montréalaise, lors desquels ils ont pointé leurs armes sur des employés pour s’emparer de stocks d’iPhone valant plusieurs milliers de dollars.

Plusieurs corps policiers de la région montréalaise tentent d’élucider cette vague de vols, qui a frappé des boutiques de Vaudreuil-Dorion, de Laval, de Repentigny, de Longueuil et de Montréal ces derniers mois. Dans certains cas, les malfaiteurs sont partis avec plus de 50 000 $ de matériel.

« La situation a rendu les employés de plusieurs boutiques très nerveux », explique Laurie Langlois, gérante d’une boutique affiliée à Telus, sur le boulevard des Laurentides, à Laval, qui a été ciblée deux fois, en décembre et en avril. Le commerce exige maintenant que les clients montrent une pièce d’identité à la porte avant d’entrer. « Certains clients trouvent que c’est un peu intense, mais on n’a pas le choix ; on doit se protéger. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Une affiche sur la porte de la boutique Telus sur le boulevard des Laurentides, à Laval, demande aux clients de se faire identifier avant d’entrer.

Le modus operandi des voleurs, selon plusieurs entrevues faites par La Presse, est toujours sensiblement le même : les braqueurs, masqués et vêtus de noir, débarquent dans les commerces, pointent une arme de poing vers les employés et demandent d’accéder directement au coffre-fort. Ils y dérobent les téléphones neufs, surtout des iPhone, mais aussi des appareils Android ou Samsung, ainsi que les téléphones des membres du personnel, possiblement pour les empêcher d’appeler la police.

Une de mes employées vers qui l’arme a été pointée n’est pas revenue travailler depuis l’évènement. Elle criait et elle pleurait quand c’est arrivé.

Laurie Langlois, gérante d’une boutique Telus à Laval

Un autre vol, à Vaudreuil-Dorion, le 13 mai, a mené à l’arrestation de deux jeunes hommes âgés de 19 ans, Zakaria Benathmane et Achref Hamsi. Le premier a été accusé de vol qualifié et de possession d’une arme de poing prohibée « Model 27 Tactical .40 », selon une dénonciation obtenue par La Presse. Le second a été accusé de complicité après les faits. Les deux suspects, interceptés à bord d’un véhicule par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ont plaidé non coupable lors de leur comparution.

Ces deux suspects ne sont pas nécessairement soupçonnés des autres crimes. Selon une source policière qui a souhaité ne pas être nommée, la vague de vols pourrait être l’œuvre d’un groupe organisé.

Lors d’un autre vol, à Repentigny le 3 mai dernier, une équipe de chiens pisteurs et un drone ont dû être déployés pour tenter d’intercepter les suspects du vol. Ceux-ci se sont enfuis à bord d’un Dodge Durango vraisemblablement loué par un prête-nom, qu’ils ont fini par abandonner pour prendre la fuite à pied lorsqu’ils ont été interceptés sur l’autoroute 40 à Montréal par le SPVM. Le chauffeur a été identifié.

Des appareils inutilisables ?

L’usage que ces voleurs font de ces appareils volés intrigue les policiers et des experts en téléphonie consultés par La Presse. En magasin, un iPhone 12 neuf se vend plus de 1200 $, taxes comprises. Mais en principe, les numéros d’identification uniques des appareils (IMEI) dérobés sont immédiatement inscrits sur une « liste noire nationale » d’appareils volés, ce qui les rend complètement inutilisables sur les réseaux de téléphonie canadiens et américains.

Selon une source du domaine de la sécurité qui a requis l’anonymat, certains appareils sont probablement vendus sur des sites comme eBay ou Kijiji, à des acheteurs qui se retrouvent avec un bien inutilisable quelques jours plus tard. Ils n’ont alors aucun recours pour les faire réactiver.

Dans d’autres cas, ils seraient envoyés à l’étranger, dans des pays d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient, où la liste noire nationale canadienne n’a pas de portée. Beaucoup d’appareils auraient notamment été frauduleusement détournés vers Dubaï, aux Émirats arabes unis, ces derniers mois, affirme notre source.

C’est certain qu’il y a des réseaux organisés qui font transiter les appareils vers des destinations outre-mer.

Benoît Fortin, propriétaire d’une boutique Bell et d’Oups.ca, boutique de réparation et de remise en marché d’appareils usagés

Stefan Geertsen, propriétaire de Go-Recell, qui rachète des téléphones usagés, affirme pour sa part qu’il lui arrive de plus en plus fréquemment d’avoir des clients qui essaient de lui vendre des téléphones neufs encore emballés, qui finissent par apparaître un mois ou deux plus tard sur la liste noire. « Ces téléphones sont surtout vendus par des personnes qui fraudent les fournisseurs en annulant leur carte de crédit après avoir signé un contrat d’achat sur plusieurs mois. Ils font ça pour faire de l’argent rapidement », explique-t-il. En principe, les téléphones neufs qui sont volés dans des boutiques lors d’un braquage devraient, selon lui, apparaître beaucoup plus rapidement sur la liste noire.

Luc Beaulieu, propriétaire de Recycell, qui rachète des lots d’appareils d’entreprises, croit quant à lui qu’il y a possiblement un marché pour les pièces détachées. « Il y aurait de l’argent à faire avec ça, c’est sûr », dit-il.

Comment ne pas se faire duper ?

Avant d’acheter un téléphone usagé, il est possible de vérifier sans frais s’il se trouve sur la liste noire nationale des téléphones perdus ou volés. Il suffit de repérer le numéro IMEI qui se trouve dans les réglages de l’appareil, derrière la pile, sur sa boîte d’origine, ou encore en composant *#06# à l’aide du clavier du téléphone. On peut ensuite entrer le numéro sur le moteur de recherche du site verifierappareil.ca, administré par l’Association canadienne des télécommunications sans fil. Mais attention, un appareil très récemment perdu ou volé pourrait ne pas y figurer immédiatement, et y apparaître seulement quelques jours plus tard quand son propriétaire se rend compte qu’il l’a perdu.