Trois fusillades en 20 minutes sont survenues dans les secteurs de Montréal-Nord et de Saint-Michel, dimanche en fin de soirée. Les coups de feu ont fait deux blessés et ont intensifié les craintes des résidants déjà préoccupés par la flambée de violence par armes à feu des derniers mois.

Les trois évènements impliquant des armes à feu ne seraient pas liés, a indiqué lundi après-midi le porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Jean-Pierre Brabant. « Les enquêteurs ont fait du travail de terrain lundi matin pour éclaircir le tout. »

Les policiers ont interrogé plusieurs commerçants, et des vidéos de sécurité pourraient permettre d’obtenir plus de détails sur les suspects et les blessés.

À l’angle de la rue Prieur et de l’avenue de London, plusieurs tirs ont été entendus vers 19 h 15. Sur place, la police n’a trouvé ni suspect ni victime.

Un témoin se trouvait sur son perron au moment des faits. « J’ai failli manger une balle », dit l’homme, qui a requis l’anonymat. Les enquêteurs l’ont longuement interrogé dimanche soir.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des policiers patrouillent dans la rue Prieur, dans Montréal-Nord.

Un jeune homme « environ dans la vingtaine » se promenait sur le trottoir de la rue Prieur, vers 19 h. Une Sentra noire avec au moins trois jeunes à bord se serait arrêtée vis-à-vis du piéton. Le conducteur – un autre jeune – aurait sorti une arme. Puis quatre ou cinq coups de feu ont résonné, affirme le témoin. Le tireur, raconte-t-il, semblait viser le jeune homme, mais a raté sa cible. Les balles se sont logées dans une Honda blanche stationnée dans la rue. Selon nos informations, on parle d’une demi-douzaine de coups de feu.

Du sang sur le trottoir

« J’habite ici depuis plus de 20 ans. Je vois de nouveaux visages, des jeunes. Ils se bagarrent, mais ça ne finit jamais dans la violence », ajoute le témoin.

Dans ce secteur de Montréal-Nord, les résidants se disent peu habitués aux coups de feu. Les balcons sont remplis de poussettes, et quelques jouets pour enfants traînent sur les terrains gazonnés.

« Oui, ça peut brasser à Montréal-Nord, mais moins ici », explique l’homme qui a livré sa version des faits aux policiers.

  • Gouttes de sang sur le trottoir, là où est survenue la fusillade sur l’avenue de London.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Gouttes de sang sur le trottoir, là où est survenue la fusillade sur l’avenue de London.

  • Trou laissé par une balle dans une porte de garage, avenue de London

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Trou laissé par une balle dans une porte de garage, avenue de London

1/2
  •  
  •  

Devant l’appartement d’à côté, Jacques Kimoudi fixe le lieu de la fusillade avec méfiance. Il tient fermement Promesse, la cadette, dans ses bras. Des morceaux de vitre traînent encore au sol, et des taches de sang sont bien visibles sur le trottoir. Rien de bien invitant pour le papa et ses cinq enfants.

Il a entendu les coups de feu et a vu les policiers ramasser les douilles. « On est tannés d’entendre qu’il y a des fusillades et qu’aucun suspect n’est arrêté. Il y a des gens qui habitent ici. Ça m’inquiète. Ce qui m’empêche de déménager, c’est le manque de moyens. On vit là où on est capable de vivre », explique l’opérateur de machinerie.

Au croisement de la rue d’Amiens et de l’avenue Armand-Lavergne – 800 mètres plus loin –, des morceaux de rubans orangés sont toujours noués à des poteaux rouillés, vestiges de la scène policière de la veille. L’appel est entré au 911 vers 19 h 20. Cette fois-ci, des blessés. Les hommes de 23 ans et 35 ans ont survécu aux tirs.

« Ces tireurs nous nuisent »

Réjean Perron est « encore traumatisé ». La scène était « terrifiante », même à distance. Après avoir entendu trois coups de feu, il s’est précipité sur son balcon du deuxième étage. Un jeune homme gisait sur l’asphalte du stationnement du dépanneur, à côté d’une minifourgonnette noire. Un autre homme tenait ses côtes ensanglantées. Un troisième homme courait vers la ruelle adjacente à un restaurant, mais il ignore s’il était visé ou s’il s’agissait simplement d’un passant. « Il était quand même tôt, les gens se promenaient ou faisaient leurs courses. »

Les deux victimes se sont réfugiées dans un commerce avoisinant.

Sur la façade de l’édifice qui abrite le dépanneur du coin, un impact de balle attire l’attention des habitués.

Il y a une violence grandissante. Personne ne peut rien faire contre une balle. Ça ne se passe pas à 3 h du matin. Ça se passe à l’heure du souper.

Réjean Perron, résidant de Montréal-Nord

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Réjean Perron, témoin de la fusillade au croisement de la rue d’Amiens et de l’avenue Armand-Lavergne, est « encore traumatisé » par ce qu’il a vu dimanche.

À l’angle de la 25Avenue et de la 42Rue dans l’arrondissement de Saint-Michel, vers 19 h, d’autres tirs ont laissé des traces, notamment sur la clôture d’une résidence. Deux véhicules suspects auraient quitté les lieux avant l’arrivée des policiers. Une voiture noire se serait approchée d’une Mercedes grise immobilisée. Selon nos informations, le ou les conducteurs auraient tiré au moins une dizaine de balles. Aucune victime ni aucun suspect n’ont été localisés.

Le souper en famille de Joseph Saint-Louis a été perturbé par « quatre ou cinq bruits de feux d’artifice ». Il a vite compris qu’il s’agissait de tirs. Tous les voisins étaient dehors et suivaient du regard une jeep grise qui roulait à toute vitesse dans la direction opposée au lieu de la fusillade.

M. Saint-Louis a grandi dans ce secteur de Saint-Michel. Il y habite désormais avec son neveu et sa sœur. « Je suis tanné. Ça se passe en plein jour et ça donne mauvaise réputation au quartier. Il y a pourtant des familles ici. Ces tireurs nous nuisent de plusieurs façons. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Impact de balle dans la vitre d’un restaurant, rue d’Amiens

Le travail policier fait son effet

Malgré ces trois évènements, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, soutient que les effets de l’équipe dédiée à la lutte contre le trafic d’armes (ELTA) de la police commencent à se faire sentir.

L’ELTA, annoncée en décembre dernier, fonctionne pour le moment à la moitié de sa capacité, avec 23 agents et analystes du SPVM, a précisé Mme Plante.

La semaine dernière, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a annoncé une somme de 5 millions sur deux ans pour combattre la recrudescence des crimes violents. Cette somme servira notamment à l’ajout de personnel au sein de l’ELTA.

« Depuis janvier, beaucoup d’armes à feu ont été saisies par l’ELTA, mais également par les patrouilleurs du SPVM. Les efforts sont en continu à tous les niveaux : ELTA, le nombre de patrouilleurs qui a augmenté, le financement aussi qui a augmenté auprès des organismes communautaires », a fait valoir Mme Plante.

« À chaque fois qu’un incident implique une arme à feu, ça nous préoccupe énormément. Le travail se fait avec la population pour aller les rassurer, pour aller chercher le plus d’informations. »