Paul Bernardo a eu beau plaider qu’il avait changé, et qu’il n’était plus le macho (male chauvinist) grossier qu’il était quand il a tué deux adolescentes, Leslie Mahaffy et Kristen French, au début des années 1990, il n’a pas réussi à obtenir sa libération conditionnelle, après 28 ans derrière les barreaux.

Le meurtrier et violeur en série, maintenant âgé de 56 ans, en était mardi à sa deuxième demande devant la Commission des libérations conditionnelles, mais il a de nouveau échoué à convaincre les commissaires qu’il était réhabilité et prêt à réintégrer la société.

« Vous présentez toujours un risque élevé de commettre à nouveau des crimes sexuels », a expliqué la commissaire Maureen Gauci, après environ une heure de délibérations.

Il est évident aujourd’hui que vous avez toujours des comportements qui sont contre-productifs au développement de l’introspection nécessaire, et vous ne démontrez pas les avancées que nous devrions observer après votre participation à certains programmes.

La commissaire Maureen Gauci

Bernardo a pourtant répété à plusieurs reprises qu’il reconnaissait sa déviance sexuelle, qu’il avait demandé de l’aide pour être traité et qu’il acceptait de prendre un médicament inhibiteur de libido pour contrôler ses pulsions.

« J’accepte mes fautes, j’accepte mes risques et je suis prêt à prendre le médicament, parce que je crois que je ne dois pas être libéré si je ne le prends pas », a-t-il dit.

Paul Bernardo est apparu calme et posé, dans un bureau du pénitencier de Millhaven, près de Kingston, en Ontario, lors de l’audience qui a eu lieu par téléconférence. L’homme affiche toujours une allure juvénile, même s’il a purgé presque toute sa peine en isolement, de crainte que d’autres détenus s’en prennent à lui.

Il a évoqué à plusieurs reprises le stress et l’anxiété causés par son isolement, et le fait qu’il n’avait pas eu de contact humain significatif pendant 10 000 jours, ce qu’il estime être une « peine cruelle et inhabituelle ».

J’ai beaucoup d’empathie pour mes victimes et pour les autres. Je n’ai plus de fantasmes. Sans aucun doute, je pose un faible risque. Je combats toutes mes déviances sexuelles depuis deux ans.

Paul Bernardo

Alors que les familles de Leslie Mahaffy et Kristen French assistaient à l’audience, ainsi qu’au moins une de ses victimes de viol, Bernardo s’est excusé et a exprimé ses regrets de ne pas avoir plaidé coupable, en 1995, et d’avoir forcé les familles et ses victimes à suivre son procès, ce qui leur a fait revivre les horreurs qu’il a infligées.

Mais du même coup, il a affirmé que, selon lui, sa femme de l’époque, Karla Homolka, était aussi coupable que lui et a participé activement aux meurtres, mais qu’elle l’a blâmé pour obtenir une peine réduite de 12 ans.

Délinquant dangereux

Le couple a enlevé, torturé et tué Leslie Mahaffy, 14 ans, en juin 1991, avant de démembrer son corps, de le couler dans le ciment et de le jeter dans un lac. Il a récidivé en avril 1992, en enlevant et en tuant Kristen French, 15 ans.

Bernardo a aussi admis avoir violé 14 autres femmes. Il a également été reconnu coupable d’homicide, pour la mort, en décembre 1990, de la jeune sœur de Karla Homolka, Tammy, âgée de 15 ans, qui s’est produite après qu’elle a été droguée et agressée sexuellement par le couple.

Homolka a plaidé coupable à des accusations d’homicide pour la mort de sa sœur. Elle a purgé une peine de 12 ans de pénitencier et a été libérée en 2005. Elle s’est depuis remariée et a eu des enfants. Selon les derniers reportages publiés à son sujet, elle vivait dans la région de Montréal.

Bernardo a été condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, après avoir été reconnu coupable de meurtre au premier degré, d’enlèvement et d’agression sexuelle. Il a aussi reçu la désignation de délinquant dangereux.

Pas de progrès

Il avait fait une première demande de libération conditionnelle en octobre 2018, qui lui avait été refusée.

Pendant l’audience de mardi, son agent de libération conditionnelle a affirmé que le délinquant n’avait pas fait de progrès ni suivi de programme de réhabilitation depuis sa demande précédente, et qu’il ne recommandait pas qu’on lui accorde sa libération conditionnelle.

Au début de l’audience, les familles de Kristen French et Leslie Mahaffy ont livré un vibrant plaidoyer contre la libération du meurtrier.

Décrivant Bernardo comme un psychopathe sadique et incurable, Donna French a parlé d’un « nuage noir maléfique » qui hante sa famille.

« Pour ceux qui disent que le temps guérit tout, ils ne connaissent pas la douleur intense qui accompagne une perte aussi horrible, a-t-elle dit. Le temps ne guérit pas la douleur ; la douleur est une condamnation à perpétuité. »

Debbie Mahaffy, dans une déclaration lue par l’avocat Timothy Danson, a évoqué l’horreur que représentait le fait de participer à nouveau à une audience pour la demande de libération conditionnelle du meurtrier de sa fille, moins de trois ans après la dernière.

« Quelle est la signification de “reposer en paix” quand il faut revivre ces horreurs tous les deux ans pour le reste de notre vie ? », a fait valoir Mme Mahaffy.

Une des victimes de viol de Paul Bernardo a aussi témoigné lors de l’audience, affirmant qu’elle souhaitait qu’il obtienne l’aide nécessaire, mais qu’elle voulait ensuite qu’il « pourrisse en prison ».