Un agresseur d’enfants récidiviste qui fait traîner son dossier depuis six ans pour éviter une peine à durée « indéterminée » assure n’avoir plus de pensées « déviantes » grâce à ses médicaments. Ponctué d’apitoiements, de regrets et de détails sordides, le témoignage de Steve Hurdle a permis lundi une rare incursion dans la tête d’un pédophile.

Steve Hurdle s’empoigne la tête à deux mains, frappé de sanglots incontrôlables. Il vient de craquer après quelques heures à la barre des témoins. « J’ai quand même agressé des enfants », souffle-t-il, en pleurant. « Je suis tanné », sanglote-t-il. Le pédophile vient de confier à la cour l’évènement troublant impliquant un bébé qui aurait déclenché ses premières « idées sexuelles déviantes ».

Plusieurs jeunes enfants sont tombés dans les griffes du prédateur sexuel de 41 ans depuis le début des années 2000. À Sherbrooke, Steve Hurdle a agressé sexuellement une petite fille de 3 ans qui avait échappé à la surveillance de sa mère dans un centre commercial. Les détails sont à glacer le sang.

Mais c’est pour une sordide agression dans le vestiaire d’une piscine intérieure du nord de Montréal en 2014 que Steve Hurdle était devant la cour lundi. Il avait alors attiré une fillette de 5 ans dans le vestiaire en lui disant vouloir l’aider à mettre ses chaussures.

Depuis qu’il a reconnu sa culpabilité en juin 2015, Steve Hurdle a repoussé sa sentence au fil de dizaines d’audiences, alors que la Couronne tente de le faire déclarer délinquant dangereux, une étiquette réservée aux pires criminels. « C’est inadmissible ! Monsieur cherche à gagner du temps depuis le début ! », s’est indignée la procureure de la Couronne MLouise Blais lundi, lors d’une requête de la défense.

« Depuis 2015, j’ai arrêté »

C’est dans le cadre de ces audiences que Steve Hurdle témoignait lundi devant la juge Silvie Kovacevich. D’emblée, il confie avoir des palpitations cardiaques, parce qu’il aurait reçu par « erreur » une double dose de médicaments. Vêtu soigneusement et bien coiffé, Steve Hurdle s’exprime avec éloquence à la barre. Il articule chaque mot, même en sanglotant.

Dépeint comme le « mouton noir » de sa famille, Steve Hurdle s’apitoie sur son sort à de nombreuses reprises en évoquant avec euphémisme sa « problématique ». Quand il est question des nombreuses fois où il n’a pas respecté les conditions qui lui étaient imposées, dans les années 2000, il banalise ses gestes. Il avait par exemple rencontré un mineur à la Place Versailles, puis avait circulé en patins à roues alignées devant une école.

Steve Hurdle s’anime en faisant part de sa passion pour son métier de briqueteur-maçon. Il était d’ailleurs fou de joie lorsque ses agents de probation lui avaient permis de s’inscrire à ce DEP, à l’époque. « J’étais comme un petit enfant qui déballe son cadeau », lance-t-il, en souriant.

Comme il excellait et s’exprimait très bien, ses enseignants l’avaient désigné pour représenter le programme à un salon de l’Éducation. « Je n’ai jamais eu d’idées et pourtant, il y avait beaucoup d’enfants », dit-il fièrement. C’est pourquoi il insiste sur son intention de travailler à sa sortie de prison. « J’aime travailler ! Pendant que je travaille, je n’ai pas d’idées déviantes », explique-t-il.

De toute façon, Steve Hurdle avance que ses pensées déviantes sont sous contrôle depuis qu’il prend du Lupron, un médicament « très efficace » qui contribue à diminuer ses « idées débridées » et ses « scénarios déviants envers les enfants ».

« Depuis 2015, j’ai arrêté. Je veux rien savoir ! Rien ! Je te le dis. Je m’en fous vraiment, je suis capable de vivre sans ! », s’emporte-t-il, la voix cassée. Avant cela, il se masturbait une dizaine de fois par jour et se mutilait pour se débarrasser de ses « idées monstrueuses ».

Autrement si loquace, Steve Hurdle cherche ses mots lorsqu’on l’interroge sur sa première agression envers une fillette en 2001. « Comment les victimes peuvent se sentir ? », lui demande son avocat Me Réginal Victorin. « Mal… », lâche le pédophile. Un interminable silence suit. « C’est… C’est souffrant de savoir que j’ai créé cette souffrance-là à d’autres personnes. Je leur ai retiré une partie de leur innocence », confie-t-il en larmes.

« Ils ne méritaient pas ça, ils ne le méritaient aucunement. Que ce soit en 2001, en 2004… », enchaîne le pédophile. « Je regrette ce que j’ai fait », murmure-t-il. Dans ses mains tremblantes, il tient une lettre destinée à sa victime de 2014, cette fillette de 5 ans marquée au fer rouge. Il ne la lira toutefois pas à la demande de son avocat.

Son témoignage se poursuit ce mardi.