C’est une première depuis le lancement des opérations du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en 2016 : une accusation a été déposée mardi contre un policier de la Sûreté du Québec, en lien avec une arrestation musclée survenue en juillet 2020 à Saint-Cyrille-de-Wendover, dans le Centre-du-Québec.

L’intervention en question, filmée et relayée en ligne, avait en effet forcé l’ouverture d’une enquête indépendante l’été dernier. Dans un communiqué, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) affirme qu’après examen du rapport produit par le BEI, « une accusation a été déposée à l’endroit de monsieur Danny Poliquin, policier à la Sûreté du Québec, impliqué dans une intervention policière » à Saint-Cyrille-de-Wendover.

L’agent Poliquin est « accusé de voies de fait simples contre un homme qui a été mis en état d’arrestation à la suite d’une infraction au Code de la sécurité routière, commettant ainsi l’infraction punissable par procédure sommaire prévue à l’article 266 (b) du Code criminel », poursuit le DPCP. Ce dernier n’émettra aucun autre commentaire étant donné que « le dossier est maintenant devant les tribunaux ».

Il s’agit de la toute première fois depuis les débuts du BEI, en 2016, qu’une accusation est portée contre un policier par le DPCP à la suite d’une enquête indépendante, a pu confirmer La Presse. Depuis son entrée en opération, le BEI a mené 220 enquêtes, dont 17 sont toujours en cours.

M. Poliquin, qui doit comparaître le 28 juin prochain devant un juge, a été relevé de ses fonctions de patrouilleur mardi en matinée, confirme la Sûreté du Québec, qui l’a pour le moment « affecté à des tâches administratives », indique le porte-parole Benoît Richard. « On va demeurer présents auprès de l’agent Poliquin et de sa famille, puis on va offrir tout le soutien nécessaire à l’ensemble des collègues », précise-t-il, en soulignant qu’un comité se penchera sur l’affaire dans les prochains mois.

« On ne se réjouit pas plus de voir un policier accusé qu’on se réjouit quand il n’y a pas d’accusations. Ce n’est pas un indicateur de performance pour nous, c’est la qualité de nos enquêtes qui compte », a de son côté indiqué le porte-parole du BEI, Guy Lapointe. L’organisme indique qu’il « ne rendra pas publiques davantage d’informations afin de ne pas nuire à l’équité et à l’intégrité du processus judiciaire ». Le bilan d’enquête « sera publié lorsque les procédures criminelles seront terminées ».

L’Association des policières et policiers provinciaux (APPQ), quant à elle, « souhaite rencontrer le membre concerné et prendre connaissance plus en détail du dossier avant de commenter ».

« Amené au sol »

L’affaire remonte à l’été dernier, plus précisément le 16 juillet, en fin d’avant-midi vers 11 h 30. Selon un communiqué du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), qui avait mandaté huit enquêteurs peu après les évènements, le policier Poliquin aurait d’abord « vu qu’un véhicule était immobilisé sur l’accotement » de l’autoroute 20 est, en marge d’une opération radar.

Il se serait alors « rendu jusqu’au véhicule et y aurait trouvé » une personne qui « présentait des signes de facultés affaiblies ». Dans un communiqué publié l’été dernier, le BEI indique que le policier « aurait voulu procéder à l’arrestation » de l’homme, mais qu’une « altercation s’en serait suivie ». Ensuite, le policier en voulant « maîtriser l’homme, l’aurait amené au sol », provoquant ainsi sa perte de conscience. L’individu a ensuite été transporté à l’hôpital, sans qu’on craigne pour sa vie.

C’est la conjointe de l’homme arrêté qui, initialement, avait filmé la scène. Celle-ci a rapidement été partagée sur le web, entre autres sur la page Facebook « Spotted Policiers Zélés ». La vidéo, visionnée à des centaines de milliers de reprises, est d’ailleurs toujours accessible en date d’aujourd’hui.

« Tant qu’il ne me donnera pas son bras », dit dans la vidéo l’agent à la conjointe de l’homme, qui lui crie d’enlever son genou qu’il appuie à la hauteur de son cou. « Il saigne de la tête », lui crie la femme, en demandant d’expliquer l’intensité physique de l’arrestation. « Reste-là, jusqu’à temps que mon partner arrive », insiste ensuite le patrouilleur.

Précisons que l’homme arrêté et « blessé » lors de l’intervention a été informé du dépôt de l’accusation contre le policier avant la diffusion de celle-ci.

De son côté, le DPCP réitère que chaque dossier « est analysé avec rigueur et impartialité ». « La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l’exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d’ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique », insiste aussi l’organisation.

Avec Daniel Renaud, La Presse