Il y a encore trop de rencontres en personne dans les palais de justice malgré la pandémie, déplorent deux avocates de la défense montréalaises, qui demandent à un juge de forcer les procureurs de la Couronne à utiliser l’internet ou le courrier pour la divulgation de la preuve, afin de favoriser le respect des mesures sanitaires.

« On voulait aller de l’avant et faire bouger les choses. Ça fait plus qu’un an qu’on est en pandémie, on était tannées », explique MKathy Simard en entrevue.

L’avocate criminaliste a récemment représenté un homme accusé de défaut de se conformer à une ordonnance, au palais de justice de Longueuil. Elle a pu apparaître devant la cour par vidéoconférence, grâce aux nouvelles mesures mises en place pour réduire les déplacements en personne au tribunal pendant la pandémie.

Mais pour obtenir une copie de la preuve contre son client, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) exigeait qu’elle se déplace en personne au bureau des procureurs de la Couronne, à l’intérieur du palais de justice. MSimard s’est exécutée, mais les documents n’étaient pas prêts lors de son passage et on lui a demandé de revenir à nouveau en personne à une date ultérieure pour en prendre possession.

MSimard et sa collègue MAudrey-Bianca Chabauty disent avoir été confrontées à cette situation plusieurs fois depuis le début de la pandémie. Les tribunaux se sont adaptés pour fonctionner par visioconférence lorsque c’est possible, mais la préparation des procès nécessite souvent la transmission d’une quantité importante de documents confidentiels aux accusés, et des procureurs exigent que les parties concernées viennent chercher ceux-ci en main propre. Cela se traduit par un important va-et-vient dans les tribunaux afin de prendre possession de la preuve divulguée par la Couronne.

Disparités entre régions

Les deux avocates ont donc déposé une requête en Cour supérieure dans le dossier du client de MSimard à Longueuil, afin de demander à un juge de forcer les procureurs du DPCP à permettre la transmission de la preuve par voie électronique ou par courrier. L’accusé dans cette affaire a bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire peu après, mais les deux criminalistes souhaitent quand même que le tribunal se penche sur leur requête et ordonne la transmission des documents autrement qu’en personne, pour favoriser le respect des mesures sanitaires.

« Nous soumettons qu’il n’est pas logique de mettre en place toutes ces mesures pour éviter les déplacements à la cour des parties et, par la suite, faire la demande à un accusé ou son avocat de se déplacer physiquement dans un palais de justice pour avoir la preuve », plaident MSimard et MChabauty dans leur requête.

Les avocates soulignent que les procureurs de la Couronne acceptent déjà de transmettre la preuve électroniquement ou par courrier dans plusieurs régions, mais qu’elles et leurs collègues essuient encore fréquemment des refus des procureurs du DPCP à Montréal, Québec et Longueuil. Elles considèrent ces disparités selon les régions comme étant inéquitables.

Une porte-parole du DPCP a confirmé à La Presse que le dossier est en train d’être analysé à l’interne, mais que compte tenu des procédures judiciaires en cours, aucun commentaire ne serait formulé pour l’instant.