Le forcené armé et menaçant qui a blessé plusieurs personnes, mardi à Longueuil, aurait pu causer un véritable « carnage » sans une intervention rapide, affirme le directeur du Service de police de l’agglomération (SPAL). À ses yeux, l’évènement illustre encore davantage la nécessité d’investir dans une police de concertation, afin d’« éviter le plus de drames possible ».

« Quand on écoute les témoignages des victimes, on constate que sans deux héros en particulier, on avait un carnage qui s’en venait. Et ça, c’est épeurant pour la population locale. Il y a un sentiment d’insécurité, et je peux le comprendre », confie Fady Dagher en entrevue avec La Presse, quelques jours après le troublant évènement qui a forcé un déploiement policier majeur dans le quartier LeMoyne, rue Saint-Louis.

Les « deux héros », dit M. Dagher, ont assurément contribué par leurs gestes à éviter le pire. « Je pense d’abord au citoyen qui a attiré l’accusé vers lui, en utilisant des poubelles pour se protéger, mais aussi pour le détourner des victimes. Puis, il y a la policière, qui est arrivée rapidement, sans back-up, sans barricade, et qui a pris sur elle-même. Ça m’a ému de les voir intervenir de la sorte », résume-t-il.

Karine Gravel, la policière en question, a ouvert le feu à quatre reprises en direction d’André Gionet Houle, qui se dirigeait vers elle avec des couteaux dans les mains, sans jamais l’atteindre toutefois. « Oui, les balles n’ont pas atteint l’individu, donc il va falloir qu’on évalue ça, mais pour son intention, son audace, je lui lève mon chapeau », persiste le chef policier, en précisant qu’une enquête interne est en cours.

Il reste que ces deux héros, j’en suis très fier. Ça fait chaud au cœur, surtout que présentement, le métier de policier traverse une période extrêmement difficile.

Fady Dagher, chef du Service de police de l’agglomération de Longueuil

Mercredi, André Gionet Houle a été accusé de 13 chefs au palais de justice de Longueuil, dont celui d’avoir « proféré une menace de causer la mort ». Selon nos informations, tout a commencé lorsque l’homme aurait perdu les pédales lors d’une chicane au sujet de la garde de son enfant. Il aurait alors saisi deux couteaux et menacé une première personne. Un jeune homme a alors tenté de s’interposer, mais il aurait été mordu à la joue par l’accusé. La conjointe de celui-ci est alors sortie de l’appartement avec son enfant, suivie par Gionet Houle, qui était toujours armé. C’est à ce moment que la police est intervenue. Quatre personnes ont été transportées à l’hôpital, mais aucune n’était en danger de mort.

Un cas représentatif ?

Au lendemain du déploiement, mercredi dernier, la police de Longueuil dit avoir envoyé de nombreux agents spécialisés et travailleurs psychosociaux pour revenir sur l’évènement et assister la famille concernée. « On a aussi eu un psychologue qui est venu rencontrer nos troupes à l’interne. Je voulais prendre le pouls du public et de mes agents, les deux », raconte Fady Dagher.

Cette approche, il faudrait chaque fois l’avoir « en amont », affirme le chef de police, qui mène depuis près d’un an un vaste projet de réforme de son corps policier, comme l’a rapporté plus tôt La Presse.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Fady Dagher, chef du Service de police de l’agglomération de Longueuil

On veut que nos policiers deviennent des acteurs sociaux, qui s’entourent des bonnes ressources pour faire en sorte que la famille ait accès à toutes les options. Sans ça, on continuera d’être une police qui répond aux appels, qui réagit, sans jamais prévenir.

Fady Dagher, chef du Service de police de l’agglomération de Longueuil

Actuellement, le SPAL estime que 70 % de ses appels proviennent de chicanes de voisinage, de « disputes familiales » ou encore de problèmes liés à la santé mentale. « Toute l’offre de services change, et encore plus avec la COVID-19 qui, on le sait, aura des répercussions très sérieuses dans les ménages. Nos policiers vont faire face à une détresse humaine pendant plusieurs années encore », avance M. Dagher.

Son projet, c’est celui des policiers « RESO », qui ont notamment pour mandat de créer des liens dans les communautés marginalisées ou vulnérables. « Si on peut prendre en charge des familles ou des individus tôt, on est convaincus qu’on peut éviter des drames. On n’a pas le vaccin contre la violence, mais dans cette famille-là, par exemple, ça aurait pu faire une différence. »

Deux demandes de financement ont déjà été adressées à Québec et à Ottawa – chacune de 1,4 million par année sur cinq ans. « Au fédéral, on n’a pas trop de nouvelles, mais au provincial, je pense qu’il y a un intérêt. Les discussions sont là. On croise les doigts », glisse le policier d’expérience, qui soutient que les critères d’embauche seront revus pour ces nouveaux « agents sociaux ». Leur formation changera aussi considérablement, et leurs exigences de rendement « ne seront plus du tout les mêmes ».

Plus tôt cette semaine, la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, s’était dite vivement soulagée par le dénouement de cette intervention qui, avait-elle dit aussi, « aurait pu être plus que dramatique ».