Condamné à 28 mois notamment pour gangstérisme, un trafiquant de drogue, qui a agi pour les Hells Angels, a bénéficié du décret ministériel sur les mesures sanitaires dans les prisons du Québec et a purgé seulement 15 jours de sa peine avant d’être envoyé chez lui, pour des raisons de santé.

Todd Bissett, 55 ans, était, selon la preuve, chef d’un réseau de trafic de drogue qui opérait dans le secteur Iberville de la municipalité de Saint-Jean-sur-Richelieu, au sud de Montréal. Il aurait été le bras droit d’un aspirant des Hells Angels, Pascal Facchino, devenu depuis membre de l’organisation. Facchino répondait lui-même à Claude Gauthier, membre de la section des Hells Angels de Trois-Rivières.

Le 18 octobre 2018, les enquêteurs de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) de la Sûreté du Québec ont capté chez Gauthier une conversation dans laquelle Bissett, Facchino et un autre complice espéraient pouvoir écouler trois kilogrammes de cocaïne par mois.

Après son arrestation en 2019, Bissett a plaidé coupable à des chefs de gangstérisme, complot et trafic de stupéfiants, et reconnu une trame factuelle décrivant son rôle.

Il a été condamné à une peine de 28 mois le 28 octobre 2020, mais 15 jours plus tard, le 12 novembre, il a été envoyé chez lui pour y purger sa peine, en vertu de l’arrêté numéro 2020-033 du ministère de la Santé et des Services sociaux rendu le 7 mai 2020, dans le contexte de la COVID-19.

Proches ou relations admissibles

Jointe par La Presse, une porte-parole du ministère de la Sécurité publique a indiqué que l’arrêté ministériel n’est pas « un privilège mais une mesure exceptionnelle visant à protéger la santé des membres du personnel des prisons et des personnes incarcérées, en particulier les plus vulnérables aux formes graves de la COVID-19 qui ne répondent pas aux critères d’octroi d’une des formes de permission de sortir ou d’une libération conditionnelle ».

Elle a ajouté que les membres d’un groupe criminel ne sont pas admissibles, mais que l’arrêté n’exclut pas « les personnes proches ou en relation avec des membres de groupes criminels ».

Enfin, elle a précisé qu’une assignation à résidence — comme dans le cas concerné — est assortie de conditions et que le délinquant doit retourner à l’établissement dans les 24 heures suivant la fin de l’urgence sanitaire ou à la demande du directeur de la prison.

Todd Bissett, qui est chauffeur de camion, n’a aucun antécédent criminel, sauf la peine qu’il purge actuellement. Il a présenté deux certificats médicaux signés par son médecin qui expliquent la précarité de son état de santé. Le médecin de la prison aurait également confirmé sa vulnérabilité.

« Je peux comprendre vos préoccupations, mais M. Bissett a une condition médicale précaire. La moins bonne affaire pour lui aurait été de se retrouver en dedans, surtout à Bordeaux [Centre de détention de Montréal] qui est mal équipé pour faire face à la pandémie, et où il y a eu des éclosions importantes », a expliqué l’avocat de Bissett, MPierre Tabah.

La Commission québécoise des libérations conditionnelles a toutefois refusé il y a un mois d’accorder à Bissett une permission de sortir préparatoire, en soulignant notamment dans sa décision son importance dans l’organisation.

« Le fait que vous commettez des délits au profit d’une organisation criminelle est, de l’avis des tribunaux, un fléau pour la société. Vous n’êtes pas un membre en règle d’une organisation criminelle, mais vous êtes un homme de confiance de deux membres en règle des HA, ce qui vous place en haut de la pyramide juste au-dessous des deux membres qui furent également arrêtés dans le projet Orque. »

« La conscientisation et la responsabilisation sont déficientes, sans parler de remords et de regrets qui sont inexistants, si ce n’est qu’à cause des inconvénients de la courte période de détention », écrit notamment le commissaire Jean Dugré.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.