(Ottawa) La Cour suprême du Canada conclut que deux hommes reconnus coupables de crimes liés au terrorisme ont bénéficié d’un procès équitable, même si le juge a commis des erreurs lors de la sélection des jurés.

Le plus haut tribunal du pays avait déjà annoncé en octobre qu’il n’y aurait pas de nouveau procès pour Raed Jaser et Chiheb Esseghaier, accusés dans le complot terroriste visant un train de passagers de VIA Rail. La Cour a publié vendredi ses motifs pour étayer sa décision.

Les deux hommes avaient été reconnus coupables en 2015 d’accusations liées au terrorisme découlant principalement d’un complot présumé inspiré d’Al-Qaïda visant à faire dérailler un train de passagers entre les États-Unis et le Canada.

Ils ont fait appel du verdict, leurs avocats faisant valoir que le jury au procès avait été mal constitué.

En août 2019, la Cour d’appel de l’Ontario a ordonné la tenue d’un nouveau procès, au motif que le jury avait effectivement été mal sélectionné.

Mais lors d’une audience en Cour suprême, l’automne dernier, la Couronne a plaidé, avec succès, que les verdicts de culpabilité ne devraient pas être annulés en raison d’une erreur dans le processus de sélection du jury, qui n’a pas privé les accusés du droit à un procès équitable.

La Cour suprême s’est rangée à cet avis. Tout comme la Cour d’appel, les neuf juges ont conclu que le jury avait été constitué de façon irrégulière, mais ils estiment que cette procédure constituait néanmoins l’une des deux solutions possibles pour protéger le droit d’un accusé à « un procès équitable devant un jury indépendant et impartial ».

La question du jury étant réglée, la Cour suprême a renvoyé l’affaire à la Cour d’appel de l’Ontario pour qu’elle se prononce sur la contestation, toujours en suspens, des hommes quant à leurs condamnations. Cette seconde partie de l’appel est en cours.

Deux méthodes pour le jury

Avant le procès pour terrorisme, la notoriété de l’affaire et le fait que les deux accusés étaient musulmans et membres d’une minorité racialisée nécessitaient que les candidats jurés soient interrogés sur leur capacité à être impartiaux.

Il y avait deux méthodes de sélection de candidats pour y arriver : la méthode rotative et la méthode statique.

Comme l’a noté la cour, la première méthode implique que deux personnes agissent comme sélectionneurs jusqu’à ce que le premier membre du jury soit choisi. Le premier juré remplace alors l’un des sélectionneurs, qui est remercié pour ses services. Le premier juré doit alors sélectionner le second juré en s’assurant que celui-ci soit impartial.

En 2008, une deuxième procédure — la méthode statique — a été introduite. Selon cette méthode, deux personnes décident elles-mêmes de tous les jurés jusqu’à ce que le jury soit assermenté. Une fois la sélection terminée, les deux sélectionneurs statiques ne deviennent pas membres du jury.

L’avocat de Raed Jaser voulait que les sélections se déroulent avec la méthode rotative. Chiheb Esseghaier n’était pas représenté par un avocat, car il rejetait le système de justice pénale pour des motifs religieux.

En raison des changements de 2008, il y avait une incertitude quant à savoir si la procédure demandée par Raed Jaser était encore disponible, et le juge a finalement approuvé la méthode statique.

Dans sa décision de 2019, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que Raed Jaser s’était vu refuser à tort l’option qu’il préférait pour la sélection du jury. Le tribunal a également déclaré que si Raed Jaser devait avoir un nouveau procès, Chiheb Esseghaier avait également droit à un nouveau procès.

Dans l’explication récemment publiée de sa décision d’octobre 2020, la Cour suprême a déclaré que si les hommes n’avaient pas obtenu « le procès exact qu’ils voulaient, notre loi n’exige pas une justice parfaite, mais une justice fondamentalement équitable. C’est ce qu’ils ont reçu ».

Même si l’utilisation de la méthode statique a été incorrecte dans les circonstances, il s’agissait de l’une des deux procédures légalement sanctionnées au moment du procès, a déclaré le tribunal.

La Cour suprême a également conclu que la mise en œuvre de la procédure par le juge de première instance et les sélectionneurs avait été effectuée avec le soin et l’attention nécessaires pour garantir la protection des droits des accusés à un procès équitable.

« Il n’y a eu aucune atteinte au droit à un procès équitable mené avec un jury indépendant et impartial, aucun préjudice n’a été causé, et aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave n’a été commis », conclut la Cour suprême.