Des migrants détenus au Centre de surveillance de l’immigration (CSI) de Laval, tout juste remis d’une éclosion de COVID-19, ont entamé une quatrième grève de la faim pour protester contre les conditions inhumaines dont ils affirment faire l’objet. Une information que nie l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

« C’est un espace propice à la propagation du virus et ce n’est qu’une question de temps avant que nous soyons tous contaminés. Ceci est un appel à l’aide », peut-on lire dans une déclaration signée par sept détenus. Elle a été publiée sur les réseaux sociaux de l’organisme Solidarité sans frontières, qui a des contacts étroits avec le groupe depuis le printemps dernier.

Le 15 février, le virus s’est introduit dans l’établissement fédéral, où sont détenues des personnes migrantes dont la validité du statut est remise en question par l’ASFC.

Les 18 détenus – dont 3 ont reçu un test positif à la COVID-19 – ont été placés en confinement solitaire dans leur cellule, « sans aucune assistance psychologique ».

Lorsqu’un détenu se plaignait de douleurs s’apparentant aux symptômes de la COVID-19, on lui donnait simplement du Tylenol, apprend-on dans la déclaration. « Nous souffrons beaucoup. Nous sommes désemparés et avons très peur pour notre santé. »

Le 1er mars, soit une quinzaine de jours après l’apparition du premier cas, le confinement a été levé au CSI de Laval. Mais la peur d’une nouvelle éclosion, elle, est toujours là.

« Nous annonçons que nous avons commencé une grève de la faim à durée indéterminée à partir du 1er mars pour contester le traitement dont nous faisons l’objet », ont déclaré les sept détenus, qui réclament leur libération.

« Je sais qu’ils sont en danger »

Il s’agit de la quatrième grève de la faim au CSI de Laval en moins d’un an, selon Solidarité sans frontières. Abdul* était de la première. Le printemps dernier, ses camarades et lui n’ont pas mangé pendant 10 jours, pour dénoncer l’absence de mesures sanitaires dans l’établissement. « J’ai perdu plus de 10 kilos. Je ne me reconnaissais plus dans la glace, mais il fallait le faire. De nouveaux gardes continuaient d’entrer tous les jours. On voyait la mort cogner à notre porte. »

Quand il a appris que de nouveaux détenus se battaient pour la même cause, près d’un an plus tard, il a estimé qu’il devait apporter son soutien. « Je sais ce que c’est là-bas. On est complètement dépossédés, c’est très stressant. Je sais qu’ils sont en danger », explique Abdul, qui a été libéré en avril, après que son expulsion du pays eut été reportée. Ses requêtes d’immigration sont toujours en cours.

Aucun danger

Porte-parole de Solidarité sans frontières, Katarina Larivière est catégorique : ces personnes ne représentent aucun danger. « Ce sont des gens qui se retrouvent enfermés à cause de leur statut migratoire. Souvent, ils sont en attente de validation. D’autres fois, le gouvernement juge qu’ils sont à risque de fuir avant leur expulsion. Il y a d’autres voies pour localiser ces gens sans les mettre en prison. Actuellement, c’est moins sécuritaire pour eux d’être à l’intérieur qu’à l’extérieur », tranche-t-elle.

Malgré les multiples appels à leur libération, les services frontaliers n’ont pas répondu à la demande de Solidarité sans frontières et des détenus.

Nous avons eu un grand soutien parmi la population au cours des dernières semaines, mais il n’y a pas de mouvement de la part des personnes qui prennent les décisions.

Katarina Larivière, porte-parole de Solidarité sans frontières

Jointe par La Presse, la porte-parole de l’ASFC Judith Gadbois-St-Cyr a affirmé « qu’il n’y [avait] actuellement aucun détenu en protestation alimentaire au Centre de surveillance de l’immigration (CSI) à Laval ». Elle a du même coup défendu le recours de l’ASFC à la détention.

« La détention des immigrants a toujours été une mesure de dernier recours, utilisée uniquement dans des circonstances limitées. […] L’ASFC continue d’examiner la population détenue pour veiller à ce que les volumes demeurent au minimum et à ce que toutes les options de mise en liberté soient étudiées pour les cas où le risque d’une personne libérée peut être géré dans la collectivité. »

Mme Gadbois-St-Cyr a aussi assuré que plusieurs mesures supplémentaires avaient été prises afin de prévenir la propagation du virus dans ses établissements, « mesures [qui] sont révisées plusieurs fois par semaine ».

* Nom fictif