(Vancouver) Un procureur de la Couronne exhorte une juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique à ignorer les « vents géopolitiques qui tourbillonnent » dans l’affaire d’extradition de la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, et à se concentrer plutôt sur le contexte juridique.

Robert Frater a déclaré à la juge en chef adjointe Heather Holmes que l’équipe juridique de Mme Meng essayait de faire entrer l’éléphant dans la salle en présentant des arguments centrés sur les commentaires de l’ancien président américain Donald Trump à propos de l’affaire.

MFrater a affirmé que Mme Holmes devrait se concentrer sur les faits et le droit, tout en laissant la politique aux politiciens.

Il a fait ces commentaires en réponse aux affirmations de l’équipe juridique de Mme Meng selon lesquelles les propos de Donald Trump dix jours après l’arrestation de la directrice financière à l’aéroport de Vancouver en décembre 2018 représentaient une menace et ont empoisonné les procédures au Canada.

Des journalistes ont demandé à Donald Trump s’il interviendrait dans l’affaire pour obtenir un meilleur accord dans les négociations commerciales avec la Chine, et il a répondu qu’il « interviendrait certainement » s’il jugeait cela nécessaire.

Mme Meng est recherchée aux États-Unis pour des accusations de fraude qu’elle et l’entreprise Huawei nient.

Ses avocats allèguent que les commentaires de Donald Trump constituent un abus de procédure et demandent une suspension des procédures.

« Tout le monde dans cette salle d’audience sait que l’éléphant dans la pièce a toujours été les vents géopolitiques qui tourbillonnent autour de cette affaire, a déclaré MFrater à la juge. Nous sommes convaincus que lorsque vous examinerez les faits et appliquerez la loi, vous rejetterez cette motion. »

Bataille commerciale

Mercredi, l’équipe de Mme Meng a cherché à lier son dossier à une course technologique entre les États-Unis et la Chine.

Le succès de Huawei dans la mise en place de la technologie sans fil 5G dans le monde entier représente une « menace existentielle » pour les États-Unis et l’affaire de Mme Meng se déroule au milieu d’un effort du gouvernement américain pour « affaiblir, sinon détruire, Huawei », a déclaré l’avocat de Mme Meng, Richard Peck.

MPeck a noté qu’en février 2020, William Barr, alors procureur général des États-Unis, avait déclaré que les enjeux ne pouvaient être plus élevés et avait comparé la concurrence sur le plan technologique à la guerre froide.

La démocrate Nancy Pelosi a mis en garde contre les affaires avec Huawei et la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a décrit Huawei comme un « fournisseur non fiable » et une « menace pour la sécurité des États-Unis », a souligné MPeck.

« Cette campagne est bipartisane et se poursuit en pleine vigueur aujourd’hui », a-t-il déclaré.

Les critères d’un abus de procédure

Pour sa part, MFrater, représentant le procureur général du Canada, a cherché à recentrer l’attention de la juge jeudi sur les critères de la motion.

Il existe un test rigoureux du seuil pour un abus de procédure justifiant un arrêt des procédures et l’argument de Mme Meng ne passe pas, a-t-il fait valoir.

Le seuil défini par la Cour suprême du Canada stipule qu’il doit y avoir préjudice au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice et qu’il ne doit y avoir aucun autre recours. Là où il y a encore de l’incertitude, le tribunal doit soupeser les intérêts de l’accusé et l’intérêt de la société à entendre l’affaire, a déclaré MFrater.

Dans la recherche de cet équilibre, le tribunal devrait considérer que les accusations de fraude sont graves et que Mme Meng n’est pas une personne ordinaire, mais la directrice financière de l’une des plus grandes entreprises de télécommunications au monde, a-t-il souligné. Une personne avec « les ressources nécessaires pour embaucher un bataillon d’avocats, qui bénéficie du plein soutien d’un État puissant, est dans une position factuelle différente de celle d’un individu indigent ou vulnérable », a soutenu MFrater.

Un autre avocat de Mme Meng, Eric Gottardi, a répliqué que la célébrité de la dirigeante de Huawei faisait d’elle une « cible de plus grande valeur » pour les interférences, ajoutant que les ressources d’une personne ne devraient pas affecter la façon dont celle-ci est traitée par le tribunal.