Accusé de l’homicide involontaire de Bony Jean-Pierre lors d’une frappe antidrogue qui avait mal tourné en mars 2016 dans l’arrondissement de Montréal-Nord, le policier du groupe tactique d’intervention (GTI) du SPVM Christian Gilbert a été acquitté jeudi.

« Bien que les conséquences de cet évènement demeurent incontestablement tragiques, dramatiques et catastrophiques, il n’a pas été démontré que M. Gilbert a engagé sa responsabilité criminelle en utilisant une force injustifiée », a conclu le juge Yvan Poulin, de la Cour du Québec, après avoir lu durant 45 minutes sa décision étoffée de 30 pages.

L’après-midi du 31 mars 2016, lors d’une opération policière rue Arthur-Chevrier, M. Gilbert était posté devant la façade de l’immeuble avec une arme intermédiaire tirant des projectiles de polymère, lorsque ses collègues ont défoncé la porte intérieure d’un logement du premier étage à coups de bélier et lancé deux grenades assourdissantes.

Selon la preuve entendue, Bony Jean-Pierre a alors écarté le rideau de la chambre donnant sur la rue et ouvert brusquement la fenêtre. Il s’est accroupi sur le cadrage et Christian Gilbert, appréhendant la fuite de l’individu, a tiré un premier coup de semonce qui n’a pas dissuadé M. Jean-Pierre. Celui-ci a poursuivi son mouvement et le policier, qui visait la hanche, a tiré une seconde fois et atteint la victime à la tempe, alors qu’elle avait amorcé sa chute vers le sol. M. Jean-Pierre a succombé à ses blessures à l’hôpital.

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Bony Jean-Pierre

« C’est une catastrophe, ce qui est arrivé en 2016, a déclaré jeudi le directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Sylvain Caron. On est heureux que le système ait reconnu notre policier non coupable. »

Débats d’experts

Le procès de M. Gilbert, qui a duré quelques semaines, a notamment donné lieu à un débat d’experts en balistique, en biomécanique et en usage de la force par les policiers.

Le juge Poulin a retenu les conclusions de l’expert en biomécanique qui a établi, en gros, qu’il était tout à fait possible qu’en raison de la chute de M. Jean-Pierre et du temps de réaction du policier jusqu’à ce qu’il appuie sur la détente, la tête de la victime se soit retrouvée là où sa hanche se trouvait, dans les millisecondes précédentes.

« La description que fait M. Gilbert [dans son témoignage] de la situation est soutenue par l’expertise biomécanique et compatible avec la chronologie des évènements », écrit le juge.

Le magistrat conclut que les enquêteurs étaient fondés à croire que les suspects pouvaient être armés et étaient justifiés d’avoir recours au GTI, pour leur sécurité et celle des citoyens.

« Les évènements se déroulent extrêmement vite [en 5 secondes] et les agents doivent réagir rapidement devant la résistance active de M. Jean-Pierre et le danger potentiel qu’il représente. En raison de toutes ces circonstances, il est avéré que l’utilisation de l’arme intermédiaire dans une zone verte [du corps, comme la hanche] constituait la seule option valable s’offrant à eux », écrit encore le juge Poulin.

Le chef d’homicide involontaire dont était accusé Christian Gilbert était basé sur le fait que le policier aurait commis des voies de faits graves en utilisant une arme à feu.

La poursuite prétendait que l’agent avait utilisé une force excessive et aurait pu recourir à d’autres options.

Ce procès était suivi par tous les corps de police au Canada, car si Christian Gilbert avait été reconnu coupable, la décision aurait eu un impact sur les façons de faire de la police.

Mais le juge a statué que le ministère public n’avait pas démontré hors de tout doute raisonnable que M. Gilbert avait utilisé une force excessive à l’endroit de M. Jean-Pierre.

Il a aussi souligné « la franchise, la sincérité et la fiabilité du témoignage de M. Gilbert dans son ensemble ».

Pas de dimension raciale

Des émeutes avaient eu lieu dans Montréal-Nord après la mort de Bony Jean-Pierre en 2016.

« La mort de M. Jean-Pierre est une tragédie qui n’aurait jamais dû arriver. Mais dans ce dossier-ci, il n’y a pas du tout de dimension qui pourrait faire penser qu’il y avait un ingrédient racial, qui a influencé la conduite des policiers. Le jugement d’aujourd’hui ne fait pas en sorte qu’il faut baisser la garde ou devenir moins vigilant à propos des problèmes de discrimination raciale et de profilage », a réagi l’avocat du policier, MLouis Belleau.

Ce procès n’a pas été facile pour le procureur de la poursuite, MJean-Sébastien Bussières. Il a souvent eu l’air de contre-interroger ses propres témoins policiers.

« La décision rendue aujourd’hui reprend le fait que les agents de la paix sont soumis au Code criminel au même titre que les autres citoyens », a-t-il dit, ajoutant qu’il prendrait le temps de lire le jugement avant de décider s’il interjettera appel ou non.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.