Gurmit Singh et Santokh Kour ont trouvé refuge au Canada il y a un an et demi. Mais jeudi dernier, c’était à leur tour d’offrir refuge à un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui aurait été attaqué par un chauffeur d’Uber. Toujours choqués par le visage tuméfié et les plaies sanglantes de l’agent, ils espèrent qu’il se porte bien.

« Comment s’appelle le policier ? On veut savoir s’il va bien », insiste Gurmit Singh dans un anglais timide.

C’est à sa porte que Sanjay Vig a cogné jeudi dernier, explique l’occupant du minuscule appartement composé d’une seule pièce à peine chauffée.

Sa femme et lui ont accueilli avec étonnement l’agent du SPVM.

Le policier avait les yeux boursouflés et une blessure sanglante près de la nuque, décrit Santokh Kour, femme de M. Singh.

Jeudi soir, près du boulevard Crémazie et de l’avenue d’Outremont, le policier d’expérience aurait été frappé à plusieurs reprises avec un objet métallique. Mamadi III Fara Camara, chauffeur d’Uber à qui il aurait donné une contravention un peu plus tôt, est le principal suspect dans cette affaire. Dans des circonstances nébuleuses, le pistolet de Sanjay Vig se serait retrouvé entre les mains du conducteur.

Le policier s’est enfui, puis réfugié dans un immeuble de logements du secteur. Il a cogné à une première porte. Pas de réponse. Puis à une deuxième. Sankoth Kour lui a ouvert, emmitouflée dans une épaisse robe de chambre à carreaux.

Ne parlant ni français ni anglais, elle s’est d’abord méfiée du visiteur au visage ensanglanté, admet-elle lors d’une entrevue en panjabi traduite par sa voisine.

M. Singh jongle avec quelques mots d’anglais. Il a rassuré sa conjointe et invité le policier à entrer. « Il nous a demandé de verrouiller la porte le plus vite possible », se souvient-il.

Sanjay Vig a alors appelé du renfort avec sa radio portative. Puis il s’est étendu de tout son long sur le plancher du petit logement. Avec une pile de feuilles de papier essuie-tout, Gurmit Singh et sa femme ont épongé les blessures de l’homme.

Les secours n’ont pas tardé. Le couple a aperçu une quinzaine de véhicules du SPVM par son unique fenêtre. Le policier s’est levé difficilement et a fait signe à ses collègues à travers la vitre. Les résidants ont fait leurs adieux à l’agent, soulagés.

« Son visage… très amoché », décrit le mari.

Selon nos informations, le policier n’aurait pas été blessé ni effleuré par un projectile cette soirée-là. Il a toutefois indiqué avoir entendu une balle siffler à son oreille lors de l’altercation.

Des témoins disent également avoir entendu deux coups de feu lors de l’évènement.

Mamadi III Fara Camara, soupçonné d’avoir désarmé Sanjay Vig, a été accusé vendredi de tentative de meurtre avec une arme à feu. Le suspect est étudiant aux cycles supérieurs à Polytechnique Montréal. « Il agissait cette session à titre de chargé de laboratoire pour un cours qui se donne à distance », explique l’établissement dans un courriel transmis lundi. M. Camara a été suspendu de ses fonctions et n’aura pas accès au campus de Polytechnique pendant toute la durée de l’enquête.

Fuir les persécutions en Inde

Les bons Samaritains sont un couple de réfugiés indiens établis à Parc-Extension, quartier montréalais durement touché par la pandémie.

M. Singh a récemment perdu son emploi au Dollarama, mais garde le moral. Il y a pire dans la vie. Le couple s’est installé au Canada après des persécutions dans son pays d’origine. Gurmit Singh évoque de violentes protestations et une instabilité politique qui rendaient son existence difficile, voire dangereuse.

« Ce qui nous brise le cœur, c’est de ne pas avoir notre fille avec nous. On attend son visa depuis un an et demi. » L’adolescente de 14 ans est restée en Inde, où elle vit chez ses grands-parents. En évoquant sa fille, la mère éclate en sanglots.

Mais la vie continue, explique son mari en changeant de sujet. Il n’a pu suivre le fil des évènements qui ont poussé le visiteur à s’abriter dans son modeste logis. Dans l’urgence, il n’a pu lui demander ce qui s’était passé cette soirée-là. « C’est une bonne chose qu’il s’en soit sorti », dit-il tout simplement.

– Avec Daniel Renaud, La Presse