« Encore aujourd’hui, la peur est toujours présente. Je regarde toujours derrière moi quand je marche pour vérifier si quelqu’un me suit. Je n’ouvre plus ma porte de la même façon. J’ai compris le sens du mot terrorisée. Qu’est-ce qui me dit qu’il ne va pas recommencer en sortant de prison ? » 

Un an et demi après avoir été attaquée par deux faux livreurs de pizza dans l’est de Montréal, une jeune femme vit encore avec les séquelles psychologiques de ce triste 18 juillet 2019.

La victime, dont on doit taire l’identité, a livré un témoignage poignant et très émotif devant celui qui a commandé l’attaque, et qui est aussi son ex-conjoint, Jean-Sébastien Cormier, mercredi matin au palais de justice de Montréal.

Cormier, 35 ans, a admis avoir envoyé deux individus qui se sont fait passer pour des livreurs de pizza, dans le but d’enlever et de tuer la jeune femme, car il n’avait pas accepté leur rupture survenue un an plus tôt. Mais la résistance de la victime et un homme accouru pour l’aider ont découragé les agresseurs, qui ont fui en semant sur leur chemin des menottes, une corde, du ruban gommé, des attaches de plastique et une boîte de pizza sur laquelle était inscrite une adresse de livraison, celle de… Jean-Sébastien Cormier.

  • Cormier (de dos) a été observé par les policiers fileurs alors qu’il négociait l’achat de la mitraillette en compagnie d’un certain Houssien Ghaith qui a été condamné pour ce crime.

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    Cormier (de dos) a été observé par les policiers fileurs alors qu’il négociait l’achat de la mitraillette en compagnie d’un certain Houssien Ghaith qui a été condamné pour ce crime.

  • La mitraillette AR-15 payée 5 000 $ par Jean-Sébastien Cormier.

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    La mitraillette AR-15 payée 5 000 $ par Jean-Sébastien Cormier.

  • Les suspects ont fui en abandonnant plusieurs objets, dont une boite de pizza vide.

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    Les suspects ont fui en abandonnant plusieurs objets, dont une boite de pizza vide.

  • Une paire de menottes qu’avaient apportée les deux faux livreurs de pizza.

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    Une paire de menottes qu’avaient apportée les deux faux livreurs de pizza.

  • Les policiers ont trouvé dans le véhicule de Cormier une lettre de suicide déchirée.

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    Les policiers ont trouvé dans le véhicule de Cormier une lettre de suicide déchirée.

  • Sur la boite de pizza, qui avait été commandée en mai précédent, apparaissait l’adresse de Jean-Sébastien Cormier.

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    Sur la boite de pizza, qui avait été commandée en mai précédent, apparaissait l’adresse de Jean-Sébastien Cormier.

  • Sur la boite de pizza, qui avait été commandée en mai précédent, apparaissait l’adresse de Jean-Sébastien Cormier.

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    Sur la boite de pizza, qui avait été commandée en mai précédent, apparaissait l’adresse de Jean-Sébastien Cormier.

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Ce dernier a plaidé coupable mercredi matin, devant le juge Érick Vanchestein de la Cour du Québec, à trois accusations de séquestration, d’introduction avec effraction et de possession d’une arme à autorisation restreinte, en l’occurrence une mitraillette de type AR-15.

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Par la suite, la victime a raconté qu’elle revenait du travail le 18 juillet 2019, comme elle le faisait tous les jours, les écouteurs sur les oreilles, chantant sa joie de vivre, mais que sa vie a radicalement changé par la suite.

Elle a été prise à la gorge et frappée par les suspects qui ont tenté de l’enlever. Elle a subi des blessures physiques, mais c’est sur le plan psychologique qu’elles ont été les plus graves.

« Je me sentais perdue, anéantie. Je pleurais toute la journée », a décrit la jeune femme, expliquant qu’après l’attaque, elle a dû prendre des médicaments – c’est toujours le cas –, qu’elle n’arrivait plus à dormir et faisait des cauchemars dans lesquels Cormier la tuait, qu’elle a dû déménager et vivre dans un centre d’hébergement pour femmes, qu’elle a arrêté de travailler, a subi une perte de revenus, a été rétrogradée lorsqu’elle est retournée au travail et n’était plus en mesure de se concentrer.

Elle a ajouté avoir eu envie de mettre fin à ses jours et a dit craindre pour la stabilité de ses relations conjugales futures. « Je me suis détestée. J’avais honte de moi. Je vivais une torture. Je ne suis plus une personne normale. J’ai subi des choses irréparables qu’on ne peut pas corriger. Ça va demeurer pour le restant de ma vie. Et je n’ai aucune certitude que je ne subirai pas de représailles lorsqu’il sortira de prison », a-t-elle affirmé.

Cormier a écouté avec attention le témoignage ponctué des sanglots de sa victime. Il a ensuite demandé à lire une lettre.

« Les actes que j’ai commis, je les regrette énormément. Je me sens petit et faible. Je voudrais m’excuser formellement. Je vivrai avec les conséquences. J’aimerais que la victime sache que cette situation ne se reproduira plus. Je lui demande pardon. Je vais me reprendre en main », a-t-il notamment déclaré.

Il a espionné son ex

On a appris mercredi que Jean-Sébastien Cormier a planifié l’attaque contre son ancienne conjointe sur une période d’environ un an, qu’il aurait effectué 16 surveillances autour de la résidence de celle-ci entre février et mai 2019, et qu’il aurait payé 7000 $ ses deux sbires qui n’ont toujours pas été arrêtés.

Après l’attaque avortée, Cormier n’a pas mis fin à son projet pour autant. Il a raconté à une amie les détails d’un plan pour éliminer son ex-conjointe et dit qu’il voulait se suicider.

Cormier, qui a déjà eu un commerce qui a fait faillite, devait 30 000 $ au locateur, un individu lié à la mafia, et aurait eu l’intention de voler 10 000 $ que son ancienne conjointe aurait cachés chez elle.

Deux mois après l’agression ratée, il a acheté pour 5000 $ une mitraillette AR-15 à un individu lié au crime organisé et sur l’écoute électronique, les enquêteurs de la région est du SPVM l’ont entendu dire qu’il pourrait s’en prendre à des gens liés à la mafia pour rembourser sa dette.

Le procureur de la poursuite, MPhilippe Vallières-Roland, a demandé 10 ans de prison pour Cormier, en insistant notamment sur les séquelles psychologiques de la victime et le degré de préméditation de l’infraction.

De son côté, l’avocate de la défense, Me Mélanie Brochu, a suggéré une peine de cinq ans, en plaidant notamment le fait que Cormier était en dépression au moment du crime, qu’il n’a pas d’antécédent, qu’il a exprimé des remords sincères selon elle, qu’il a le soutien de sa famille et d’une ex-conjointe avec laquelle il a eu une relation durant 10 ans.

Parce que son client a contracté la COVID-19 en prison, MBrochu demande que la période passée en détention préventive jusqu’à maintenant (16 mois) vaille le double (32 mois), alors que le compte habituel est de 1,5 journée par jour de détention préventive, ce à quoi s’est vigoureusement opposé MVallières-Roland. Le juge Érick Vanchestein prononcera la peine à la fin mars.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.