Pour s’attaquer à la prostitution juvénile à Laval, les policiers ont mis sur pied un ingénieux stratagème pour coincer les clients grâce à des annonces fictives d’escortes mineures, une agente d’infiltration et deux chambres d’hôtel. Le procès de Vincent-Alexandre Brodeur a plongé le jury au cœur d’une opération policière minutieusement rodée, lundi, au palais de justice de Laval.

« On avait une problématique à Laval au niveau de la prostitution de mineures [en 2018]. On mettait beaucoup d’emphase sur les jeunes filles, mais jamais le client n’avait été travaillé », a expliqué Luc Savard au jury. Le policier d’expérience du Service de police de Laval (SPL) a élaboré l’opération d’infiltration qui a mené à l’arrestation de Vincent-Alexandre Brodeur en juin 2018.

Le résidant de Terrebonne de 45 ans est accusé d’obtention de services sexuels d’une personne âgée de moins de 18 ans moyennant rétribution. Selon la théorie de la Couronne, Vincent-Alexandre Brodeur était prêt à sortir son portefeuille pour avoir une relation sexuelle avec une adolescente de 16 ans. Il savait d’ailleurs pertinemment l’âge de l’escorte, puisqu’une agente d’infiltration le lui a rappelé à plusieurs reprises.

« La poursuite entend vous démontrer que l’accusé a appelé au numéro de téléphone lié aux fausses annonces publiées par la police de Laval. Qu’il a ensuite, en toute connaissance de cause, pris un rendez-vous avec l’agente d’infiltration (AI) pour se procurer les services sexuels d’une escorte, qu’il savait mineure. […] Il a rencontré l’AI, qui a confirmé encore qu’il se procurait les services sexuels d’une mineure », a indiqué le procureur de la Couronne MSimon Blais dans son exposé d’ouverture.

Après avoir rencontré l’AI dans une chambre d’hôtel, Vincent-Alexandre Brodeur s’est ainsi rendu dans une autre chambre d’hôtel dans le but d’obtenir les services sexuels d’une mineure, ajoute MBlais. Or, ce sont plutôt des policiers qui l’ont accueilli. « M. Brodeur était en larmes. Il était effondré comme s’il venait d’apprendre la mort de sa mère », a résumé le policier Luc Savard, qui a assisté à son arrestation.

L’enquêteur a expliqué au jury la genèse de l’opération. Ainsi, il a créé de toutes pièces des annonces d’escortes crédibles sur plusieurs sites populaires en utilisant les photos de femmes majeures, mais d’apparence très jeune. Les photos n’étaient jamais explicites ou vulgaires. Le titre des annonces commençait souvent ainsi : « jeune débutante te reçoit à Laval ». L’escorte proposait aussi des services de « girlfriend experience ».

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Les annonces étaient publiées le matin. Pendant ce temps, l’agente d’infiltration attendait les appels des clients dans une chambre d’hôtel. Elle devait préciser aux clients que l’escorte avait 16 ans et était consentante. Les intéressés devaient se présenter à l’hôtel pour le rendez-vous. « On demandait aux personnes qui nous appelaient ce qu’elles voulaient faire, s’il y avait des extras », a souligné Luc Savard.

Le contre-interrogatoire du policier se poursuit mardi. L’agente d’infiltration viendra témoigner plus tard dans le procès. Le procureur MSimon Blais fait équipe avec MKarine Dalphond, alors que MJoseph Elfassy défend l’accusé. Le procès est présidé par le juge Michel Pennou.