Un nouveau chapitre des guerres de clans et des autres intrigues qui ont secoué le SPVM ces dernières années se transporte au tribunal. Même s’il a été blanchi de toute allégation criminelle, un ancien directeur adjoint suspendu depuis trois ans tente de laver sa réputation, d’éviter d’être « tabletté » et de réintégrer le Service de police de la Ville de Montréal, ce que lui refuse le directeur, Sylvain Caron.

« Monsieur Lamothe n’est pas dans les cartons du SPVM », a admis mardi le chef Caron, au premier jour d’un recours judiciaire devant la Cour du Québec, chambre administrative et d’appel, intenté contre la Ville de Montréal par Bernard Lamothe.

Anciennement directeur des enquêtes criminelles, ce dernier a fait l’objet d’allégations dans la foulée de la crise qui a secoué les affaires internes et la direction du SPVM en 2017.

Il a été relevé de ses fonctions avec traitement la même année, mais un procureur a décidé de ne pas porter d’accusation contre lui à l’automne 2018. M. Lamothe a ensuite voulu retourner au sein du Service de police, mais ses demandes ont été vaines.

Le SPVM et son directeur ont plutôt voulu d’abord l’affecter à un poste au Bureau de l’inspecteur général de la Ville de Montréal. Par la suite, deux offres lui ont été faites pour un poste de sous-commissaire à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et à l’Association des directeurs de police du Québec, mais M. Lamothe les a refusées. On a appris mardi qu’une troisième offre lui a été faite, il y a quelques jours à peine, pour un poste dans les centres d’appels de la Sûreté du Québec, mais M. Lamothe a également décliné cette proposition. Son avocate, MJulie Chenette, considère ces offres comme des tablettes. Bernard Lamothe est actuellement payé environ 200  000 $ par an, à rester chez lui.

« Félix Leclerc disait que la meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire », a rappelé l’avocate.

Effacer toute trace de l’ancienne direction

Les procédures, qui se déroulent devant trois juges au palais de justice de Montréal, doivent durer quatre jours. Le premier témoin a été Sylvain Caron.

MChenette a notamment questionné le chef de police sur le fait que depuis que son client a été blanchi, des postes de directeur adjoint au SPVM ont été confiés à d’autres, parfois sans appel de candidature ou sans respecter – selon elle – les politiques de dotation de la Ville de Montréal et, surtout, sans que la candidature de M. Lamothe, qui était pourtant en disponibilité, ait été considérée.

« Le SPVM a connu une importante crise de confiance envers la population et ses employés. Le climat était tendu et malsain. Il y avait un manque de confiance des employés envers leur direction, des clans, des promotions organisées, une rivalité entre les enquêtes et la gendarmerie, et entre groupes d’enquêteurs. Il y avait beaucoup de silos. Des gens s’associaient à des directeurs adjoints ou à des assistants-directeurs pour obtenir des promotions. Il était clair pour moi que je ne ferais appel à aucun ancien haut dirigeant pour rebâtir cette organisation », a expliqué M. Caron, ajoutant que Bernard Lamothe n’a jamais été « sur le radar » lorsqu’il a fallu nommer un directeur adjoint depuis 2018.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sylvain Caron, directeur du Service de police de la Ville de Montréal

Le chef Caron a également déclaré que des rapports, dont l’un préparé par Martin Prud’homme, ont fait état d’inspecteurs-chefs qui ont dénoncé des gestes irrespectueux qu’aurait posés Bernard Lamothe et l’arrogance qu’il aurait affichée.

« J’ai opté pour ne pas garder sa candidature au niveau relationnel », a dit M. Caron.

Cet élément du témoignage du chef de police a fait bondir MChenette qui s’y est opposée devant les juges qui ont décidé de considérer ces propos sous réserve.

Un autre témoin, l’inspecteur-chef Daniel Da Cunha, patron des affaires internes du SPVM, a raconté que l’enquête sur Bernard Lamothe menée par l’équipe mixte mise sur pied pour enquêter sur les allégations au SPVM comportait 14 facettes, que celles-ci ont toutes été revues lors d’un processus disciplinaire et qu’à l’issue de celui-ci, qui a duré quatre mois, aucune accusation n’a été portée devant le comité de discipline.

« J’ai appelé M. Lamothe pour le lui annoncer. Notre appel a duré 30 minutes. C’était lourd en émotion. Je l’ai senti très émotif. Il était à bord de sa voiture garée le long de la route. Il faisait de longues pauses. Je n’étais pas rassuré et je lui ai offert d’aller le voir. Je l’ai traité comme j’aurais voulu être traité », a raconté le témoin qui aurait dit à M. Lamothe, ce jour-là, qu’il était « un exemple de droiture ».

La Ville de Montréal est représentée par MLouis Coallier, qui a dit à quelques reprises que dans toute cette affaire, sa cliente ne remettait pas en question les compétences et l’honnêteté de M. Lamothe.

Durant ces procédures, Bernard Lamothe demande également aux juges de rendre une ordonnance de sauvegarde interdisant au SPVM de nommer d’autres directeurs adjoints à sa place d’ici à ce qu’ils rendent leur décision.

Rappelons que M. Lamothe poursuit la Ville de Montréal en Cour supérieure pour près de 2 millions pour avoir, dit-il, détruit sa carrière.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.