La fausse alerte qui a provoqué une importante opération policière vendredi dans les bureaux d’Ubisoft à Montréal a toutes les caractéristiques d’un swatting, pratique qui consiste à piéger les forces de l’ordre par des canulars téléphoniques. Ce phénomène en pleine croissance aux États-Unis pousse même certaines villes américaines à prendre des précautions particulières.

« Pendant qu’on déploie des dizaines de policiers sur ces opérations, ils ne peuvent pas faire leur travail ailleurs. Dans le pire des cas, ça peut coûter la vie à quelqu’un », déplore l’ancien agent du Service canadien du renseignement de sécurité Michel Juneau-Katsuya.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’a pas confirmé que l’incident survenu vendredi découlait d’un cas de swatting. Cependant, les indices préliminaires semblent pointer dans cette direction.

« Le phénomène qu’on a vu à Ubisoft est dangereux et d’une certaine ampleur », indique Michel Wilson, ancien commandant du Groupe tactique d’intervention (GTI) du SPVM. Cette escouade d’élite, qui se spécialise dans les interventions les plus critiques, dont les prises d’otage, s’apparente au SWAT américain.

Des dizaines de policiers du GTI ont été déployés vendredi sur les lieux de l’opération. Un important périmètre de sécurité a été établi sur le boulevard Saint-Laurent.

La police ne peut pas prendre de risque. On n’arrive pas à voir la différence entre un canular et un vrai appel.

Michel Juneau-Katsuya, ancien agent du Service canadien du renseignement de sécurité

Phénomène américain

Selon le FBI, le nombre de signalements de swatting sur le territoire américain est passé de 400 par année à plus de 1000 en 2019.

Une partie de cette augmentation est attribuable à la popularité grandissante des jeux vidéo en ligne. Le swatting y est une pratique populaire, notamment pour nuire aux joueurs rivaux.

En 2017, un homme du Kansas a été tué chez lui par un policier du SWAT. Les services de police avaient reçu un appel pour signaler une fausse prise d’otage à la supposée adresse d’un joueur de jeu vidéo, à la suite d’une dispute lors d’une partie de Call of Duty.

Le phénomène a pris une telle ampleur que certaines villes se sont dotées d’un registre anti-swatting. À Seattle, les personnes qui craignent d’être victimes de swatting peuvent enregistrer leur adresse auprès de la police. Si un agent est envoyé à cette adresse, il procédera avec une plus grande prudence.

« Ça peut être pratique pour une entreprise qui a mis à pied un employé qui l’a mal pris et qui a fait des menaces », explique M. Juneau-Katsuya.

D’après lui, une telle initiative pourrait devenir une solution intéressante à Montréal. Cependant, les efforts administratifs qu’implique un tel projet doivent être justifiés.

« Pour l’instant, je ne pense pas que ce soit un problème encore très grand ici », conclut M. Juneau-Katsuya.