« Le secteur des rues Pascal et Lapierre, c’est un secteur chaud. C’est le Bronx de Montréal-Nord. Ça prend des gens formés, des spécialistes pour aller là », a affirmé le lieutenant-détective Pierre Morin du SPVM.

Le policier Morin est celui qui a supervisé l’opération anti-drogue au cours de laquelle Bony Jean-Pierre a été atteint mortellement à la tempe par une balle de plastique tirée par un policier du Groupe tactique d’intervention (GTI), Christian Gilbert, le 31 mars 2016, sur la rue Arthur-Chevrier.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Il a témoigné toute la journée de mercredi, jour 3 du procès de Christian Gilbert, accusé de l’homicide involontaire de M. Jean-Pierre.

La nécessité d’avoir fait appel au GTI pour cette opération est au cœur des témoignages entendus depuis le début du procès lundi.

Un interdit de publication nous empêche de dévoiler les techniques d’enquête utilisées par le GTI et qui seront évoquées durant le procès qui doit durer 5 semaines.

Durant le témoignage du lieutenant-détective Morin, il a longuement été question du secteur et de l’immeuble où a eu lieu la descente, le 6330 rue Arthur-Chevrier, qu’il a décrit comme « le nouveau château-fort des Rouges » et qui nécessitaient la présence du GTI, selon le policier.

« Ce n’est pas n’importe qui qui pouvait se retrouver à l’appartement numéro 3 du 6330 Arthur-Chevrier. Il fallait faire partie d’un gang de rue. La clientèle était des gens qui connaissaient l’endroit ».

« J’ai travaillé à la section Gang de rue dans l’est durant un an, et plus de 90 % des cas traités, c’était toujours dans le même secteur de Montréal-Nord, les rues Pascal et Lapierre. À part à Montréal-Nord, je n’entends pas parler d’autres affaires semblables qui surviennent à Montréal », a déclaré le témoin.

Pierre Morin a souligné les risques d’encerclement des policiers lorsqu’ils interviennent dans ce qu’il appelle le Bronx de Montréal-Nord, en répondant aux questions du procureur de la Couronne, MJean-Sébastien Bussières, et de l’avocat de Christian Gilbert, MLouis Belleau.

« Dans ce secteur, les gars de gangs de rue reconnaissent les véhicules des enquêteurs et les camionnettes du GTI. Là-bas, il faut deux véhicules — plutôt qu’un seul — pour répondre à un appel. Je me souviens d’une fois où l’on a simulé une interception avec un auto-patrouille, pour attirer le regard des membres de gang de rue, de façon à permettre au GTI d’entrer dans un autre immeuble pour récupérer un fusil de calibre 12 », a raconté Pierre Morin.

« Le 31 mars 2016, il fallait le GTI pour la rapidité d’intervention, pour réduire les risques de destruction de preuve. Lorsque les gars arrivent, c’est assez dissuasif. Ça sécurise les citoyens et cela diminue les risques d’incidents », a ajouté le témoin.

« US en stat » !

Le lieutenant-détective a commencé à raconter comment s’est déroulé la frappe, à 16 h 10 le 31 mars 2016.

Lui et son collègue, le sergent-détective Érick Lavallée, se sont positionnés dans les paliers de l’escalier intérieur, de façon à protéger « le dos » des membres du GTI.

« J’ai entendu un bang et plusieurs cris POLICE. Il y avait de la pyrotechnie, des bruits assourdissants », a-t-il décrit.

Rapidement par la suite, il a entendu sur les ondes « US en stat », ce qui signifie un appel d’urgence pour Urgences Santé, pour une personne dont l’été de santé est grave.

« J’ai su ensuite qu’un individu avait un traumatisme crânien significatif et était en détresse respiratoire », a-t-il expliqué.

L’homme n’avait aucun papier d’identité sur lui et Pierre Morin est entré dans l’appartement 3, où une douzaine de suspects étaient maîtrisés, couchés sur le sol, et a demandé l’identité de l’homme blessé mais personne ne lui a répondu.

À 17 h 45, Pierre Morin a reçu un appel de l’un de ses hommes qui venait de parler à un médecin et qui lui a dit qu’il allait sauver la vie de la victime mais que celle-ci aurait « d’importantes séquelles à 99 % ».

Une heure plus tard, une photo de la victime a été envoyée à une analyste dans le but de l’identifier. Ce n’est qu’à 21 h 15 que Pierre Morin a appris l’identité de l’homme blessé : Bony Jean-Pierre. « J’ai su alors qu’il était recherché en Ontario », a dit M. Morin.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Bony Jean-Pierre

Le procès se poursuit jeudi avec d’autres témoins.

Outre la préparation de l’opération qui a mal tourné, les témoignages des collègues de l’accusé et des experts en arme intermédiaire seront parmi les plus importants.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.