C’est en raison du profil des individus visés, de la crainte que de la preuve soit détruite et parce que des évènements de violence étaient survenus dans ce secteur de Montréal-Nord à cette époque que le groupe tactique d’intervention (GTI) a été appelé à intervenir lors de la perquisition au cours de laquelle Bony Jean-Pierre est mort, atteint à la tête par une balle de plastique tirée par un policier casqué, le 31 mars 2016.

C’est ce qu’a raconté lundi le lieutenant-détective Érick Lavallée, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), au premier jour du procès de Christian Gilbert, policier du GTI accusé de l'homicide involontaire de M. Jean-Pierre.

Lors d’un interrogatoire qui ressemblait parfois à un bras de fer avec le procureur de la poursuite, MJean-Sébastien Bussières, l’enquêteur Lavallée a indiqué que dès que la menace est jugée modérée, le GTI est appelé sur les perquisitions.

M. Lavallée était l’enquêteur principal du projet qui a mené à la perquisition au 6330, rue Arthur-Chevrier. Il a raconté que les policiers ont vu beaucoup de va-et-vient à cet endroit, lors de filatures, et qu’un agent d’infiltration a fait deux achats contrôlés de stupéfiants dans les jours qui ont précédé l’opération.

Le plan d’opération de la frappe du 31 mars 2016 déposé au procès indique que l’endroit était considéré comme un quartier général des Rouges (gang de rue) de Montréal-Nord, que l’un des suspects était membre des Rouges, et qu’une source avait rapporté la présence d’une arme longue sur les lieux, relativement à des coups de feu tirés dans le poste de quartier 39 le 13 septembre 2015.

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Le 6330, rue Arthur-Chevrier, à Montréal-Nord

« Pas une bonne journée »

« Quand tu veux atteindre une personne à la hanche et que tu l’atteins à la tête, ce n’est pas une bonne journée. »

Cette déclaration a été faite par le policier Gilbert à un collègue après les évènements du 31 mars 2016 ; c’est ce que nous avons appris lundi, mais le contexte n’a pas encore été établi.

Les deux premiers témoins de la poursuite ont été un technicien en scène de crime de la Sûreté du Québec, Pierre-Olivier Hamelin, et une pathologiste, Liza Boucher.

On a notamment su qu’au moment de la descente, le policier Gilbert a tiré deux projectiles de plastique AR-1 avec son arme intermédiaire Arwen 37 et un de ses compagnons, un projectile. L’un des deux projectiles tirés par Gilbert a atteint le cadrage d’une fenêtre avant et l’autre, le côté gauche de la tête de M. Jean-Pierre, au niveau de la tempe.

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Sur le cadrage de la fenêtre, en haut à gauche, on peut apercevoir la trace de l’impact de l’un des deux projectiles tirés par Christian Gilbert.

L’analyse de l’arme intermédiaire Arwen 37 de l’accusé par le technicien a démontré que le viseur laser était fonctionnel.

« Les blessures à la tête sont importantes et ont mené à la mort cérébrale et au décès. Celui-ci a été causé par des complications d’un traumatisme cérébral contondant », a conclu la pathologiste Liza Boucher, ajoutant que M. Bony avait des blessures au dos, compatibles avec une chute, « mais non mortelles ».

L’avocat du policier, MLouis Belleau, a demandé au témoin s’il se pouvait que le corps de M. Bony était inerte au moment d’une chute d’une hauteur de huit pieds (2,4 mètres), mais Mme Boucher n’a pas été en mesure de répondre.

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Bony Jean-Pierre

Comme un casse-tête

Le procès, qui est présidé par le juge Yvan Poulin, de la Cour du Québec, est prévu pour cinq semaines et un débat d’experts sera visiblement au cœur de l’affaire.

Chaque témoignage entendu est un peu comme une pièce d’un casse-tête qui s’assemble peu à peu. Mais déjà, les parties ont annoncé leurs couleurs.

« Nous croyons que lorsque vous aurez entendu toute la preuve, monsieur le juge, vous serez satisfait que M. Gilbert a agi correctement dans les circonstances », a déclaré MLouis Belleau, qui est assisté de MAnnie Lahaise.

« Nous voulons vous montrer que cette arme est dangereuse et que cela doit être considéré lorsqu’on décide de tirer sur un individu », a dit MBussières, de la poursuite.

Le président de la Fraternité des policiers et des policières de Montréal, Yves Francœur, a tenu à être présent dans la salle d’audience lundi matin.

« Je suis venu en support à notre policier pour des accusations non méritées. Il est un père de famille, un policier d’élite. C’est une opération contre un gang criminalisé qui a mal tourné. On parle de gangs qui font dans le trafic de drogue et qui exploitent sexuellement nos jeunes filles, alors pour nous, c’est le monde à l’envers », a dit M. Francœur.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.