Après avoir passé les cinq dernières années derrière les barreaux, Gregory Woolley sera libéré aux deux tiers de sa peine dans les prochains jours, a constaté La Presse, et les policiers craignent que le retour du redoutable chef de gang dans les rues de Montréal ne se fasse pas sans heurt.

Avant son arrestation à l’issue de l’enquête Magot-Mastiff en novembre 2015, Gregory Woolley était considéré par la police comme l’un des chefs d’une alliance mafia-motards-gangs qui dirigeait le crime organisé montréalais.

Woolley a pris beaucoup de place dans la métropole entre 2012 et 2015, alors que la plupart des Hells Angels arrêtés après l’opération SharQc en 2009 étaient toujours détenus ou devaient respecter des conditions.

Homme de confiance du défunt parrain Vito Rizzuto, il a également profité de cette période pour se rapprocher de Stefano Sollecito, que la police considérait comme le chef de la mafia montréalaise à l’automne 2015.

« Il surveille mon dos, je surveille le sien », avait dit Sollecito au sujet de Woolley dans une conversation captée par les enquêteurs durant le projet Magot-Mastiff.

Des changements

Mais cinq ans plus tard, des sources se demandent si l’influence de Stefano Sollecito en tant que chef du clan des Siciliens de la mafia montréalaise est toujours aussi grande.

Les Hells Angels sont maintenant les plus forts au Québec, y compris dans des secteurs de la métropole, affirme la police.

Le complot pour tuer Raynald Desjardins, que Woolley aurait ourdi en 2015 avec l’ancien chef guerrier des Hells Angels Maurice Boucher, n’aurait pas fait l’unanimité chez les motards, selon nos informations.

C’est sans compter des membres de gangs, qui pourraient voir d’un mauvais œil un retour éventuel de Woolley, ayant encore bien en mémoire une union des gangs imposée dans le sang en 2012.

Selon nos informations, le crime organisé montréalais a profité de la pandémie, en retournant dans l’ombre et en faisant beaucoup d’argent avec ses activités traditionnelles : paris sportifs, jeu clandestin, trafic de drogues et autres. Tout va bien, donc. Et lorsque tout va bien, il n’y a pas de conflits.

« Il faudra voir la place et la part que le milieu lui réservera. Il n’aura peut-être plus le même rôle et la même importance qu’avant. Les astres ne sont plus alignés pour lui comme ils l’étaient en 2012 », analyse une source.

« Quand Woolley était là, il fallait que les autres respectent une ligne de conduite. S’il veut reprendre sa place et rétablir cette ligne de conduite, cela pourrait ne pas faire le bonheur de tout le monde et il pourrait y avoir des remous. Si Woolley veut reprendre sa place, il devra gérer des faits nouveaux, apparus durant sa détention », renchérit un observateur de la scène criminelle et policière à Montréal.

Un couvre-feu

En octobre 2018, Woolley a plaidé coupable à des chefs de gangstérisme, complot et trafic de stupéfiants déposés dans la foulée de l’enquête Magot-Mastiff et a été condamné à une peine de huit ans. Toutefois, en soustrayant la détention préventive, il lui restait trois ans à purger.

Lors de son plaidoyer, la poursuite a abandonné l’accusation de complot pour le meurtre de Raynald Desjardins, affirmant qu’elle n’avait plus de preuve à offrir.

En mai dernier, Woolley a essuyé un refus des commissaires des libérations conditionnelles du Canada même s’il a dit durant l’audience avoir coupé les ponts avec le milieu criminel.

Toutefois, les commissaires en ont profité pour lui imposer des conditions en prévision de sa libération d’office.

Ainsi, Woolley devra demeurer dans un endroit spécifique et respecter un couvre-feu de 23 h à 6 h. Il ne pourra fréquenter toute personne ayant des antécédents criminels ou étant liée à une organisation criminelle. Il ne pourra fréquenter les établissements où l’on vend de l’alcool. Il devra divulguer toutes ses transactions financières et ne pourra posséder plus d’un appareil de communication.

Un proche de Woolley, Dany Sprinces-Cadet, a été libéré d’office sous conditions lui aussi il y a trois semaines, et un autre, Jean Winsing Barthelus, au début de 2019.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à denaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Qui est Gregory Woolley ?

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Gregory Woolley a été arrêté à l’issue de l’enquête Magot-Mastiff en novembre 2015.

- Ancien membre des Master B, gang de rue d’allégeance rouge

- Ancien membre fondateur des Syndicates, défunt gang de rue lié aux motards

- Ex-membre des Rockers, défunt club-école des Hells Angels

- 2005 : condamné à 13 ans pour complot pour meurtre, gangstérisme et trafic de stupéfiants à la suite de son arrestation dans l’opération Printemps 2001.

- 2009 : de nouveau arrêté pour trafic de stupéfiants alors qu’il est détenu (Projet Axe). Il sera condamné à quatre ans.

- 2011 : il est libéré sans condition. Un an plus tard, il est vu en compagnie de l’ancien criminaliste Loris Cavaliere, dans la Ferrari de ce dernier, se rendant au salon funéraire où était exposée la dépouille du Hells Angel Gaétan Comeau. Ce fut l’une des prémisses de l’enquête Magot-Mastiff.