Il ne fait aucun doute que le suspect de l’attaque survenue dans le Vieux-Québec samedi soir n’est pas sain d’esprit, affirme le DGilles Chamberland, psychiatre à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel. Le champ d’action des psychiatres est toutefois très limité, selon lui. Même si le suspect a déjà parlé d’envies de tuer, les professionnels de la santé ne peuvent pas toujours informer la police.

« En regardant l’ensemble du dossier, je serais très étonné qu’un individu sain d’esprit ait tué de cette façon-là, indique le DChamberland. On ne tue pas des gens pour rien. » Le psychiatre explique que dans la majorité des cas, un individu sain d’esprit tuera par colère ou pour revendiquer quelque chose, ce qui ne semble pas être le cas du suspect.

« Ici, on a quelque chose d’assez aléatoire », indique le psychiatre. Il souligne également que la majorité des tueurs sans troubles mentaux ne veulent pas se faire prendre. Dans le cas du suspect, une fois qu’il est allé au bout de sa psychose, il ne savait plus quoi faire et les policiers l’auraient retrouvé en hypothermie dans un coin, souligne-t-il.

La police estime que l’attaque survenue samedi soir était préméditée. « On dit souvent que si le meurtre est prémédité, ce n’est pas relié à la maladie mentale, mais c’est tout le contraire », affirme Louis Morissette, psychiatre légiste à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel. Selon lui, l’individu avait peut-être différentes hallucinations, depuis plusieurs semaines, qui l’ont poussé à préparer son geste. Il indique que le déroulement des évènements ne veut rien dire si nous ne connaissons pas les motivations de l’agresseur.

Un champ d’expertise limité

Le DChamberland note que le suspect avait déjà un dossier médical et qu’il avait déjà évoqué ses intentions de tuer. Mais de telles informations ne peuvent pas toujours être rapportées aux autorités, selon le psychiatre. Les spécialistes doivent attendre qu’il y ait un danger grave et imminent. « Si quelqu’un a des idées qui lui donnent envie de tuer, mais ce n’est pas imminent, on ne peut rien faire, on est très limités », indique le DChamberland.

En santé mentale, lorsque le patient décide de ne pas se présenter à ses rendez-vous ou de ne pas prendre ses médicaments, le personnel n’a aucun levier pour l’obliger. « Ce qui veut dire qu’on doit laisser les personnes dont le jugement est perturbé par une maladie se détruire en refusant des soins », se désole le DMorissette. Il souhaiterait que l’accès aux services d’aide psychiatrique soit plus simple pour les proches des malades et qu’il y ait plus d’intervenants sur le terrain. « On a besoin des personnes qui vont accompagner les patients malades, notamment les éducateurs de rue, les travailleurs sociaux et les infirmières à domicile. »

Facteurs de risque

L’âge peut accentuer les risques de violence. De façon générale, il est démontré que les jeunes sont plus impulsifs. « Si, en plus, on ajoute une maladie comme la schizophrénie, où les symptômes apparaissent début vingtaine, il y a plus de risques que l’individu ait des symptômes psychotiques prononcés », affirme le DChamberland.

La consommation d’alcool a également un rôle non négligeable. Que l’individu soit atteint d’un trouble psychiatrique ou non, l’alcool augmente l’intensité des émotions vécues, favorise le passage à l’acte et diminue l’inhibition. « Si un patient est déjà fragile, il risque d’agir selon ses idées étranges », explique Gilles Chamberland. Au moment de publier, on ignorait si le suspect était sous l’effet de drogues ou d’alcool, ou s’il avait pris des médicaments.

Les psychiatres interrogés par La Presse sont toutefois unanimes : il ne faut pas stigmatiser les patients qui souffrent d’un trouble psychiatrique. La très grande majorité des gens qui souffrent d’une maladie psychiatrique ne sont pas plus dangereux que n’importe quel citoyen. C’est seulement de certaines maladies que peut découler une psychose.