« Je suis une femme battue ! » Les ultimes paroles de Josiane Arguin avant d’être battue à mort par son conjoint à coups de baguette de billard ont provoqué un épisode de « dissociation » chez Simon Brind’Amour en raison de leur « caractère public », selon l’expert de la défense. Une thèse complètement rejetée par le psychiatre de la Couronne.

L’état d’esprit de Simon Brind’Amour au moment de tuer Josiane Arguin, le 1er septembre 2018, est au cœur de sa défense à son procès pour meurtre au second degré et outrage à un cadavre. Selon ses avocats, le Montréalais de 38 ans a eu un « réel court-circuit » au cerveau ce jour-là. C’est pourquoi la défense réclame un verdict d’homicide involontaire, et non de meurtre.

Le psychiatre Dr Gilles Chamberland a affirmé au jury mercredi que Simon Brind’Amour ne présentait aucun trouble de la personnalité et n’avait pas vécu de « dissociation » en tuant la victime. Il faut donc exclure toute « considération psychiatrique » de cette affaire, a conclu l’expert de la Couronne dans son rapport de 25 pages.

Et même dans l’hypothèse où l’accusé avait eu un tel épisode de dissociation, cela n’aurait pas changé son « jugement » ou son « intention », selon Dr Chamberland, puisque la dissociation est un simple mécanisme pour nous couper de nos émotions dans un moment extrêmement difficile. « La majorité du temps, c’est la victime qui dissocie », précise-t-il.

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Le psychiatre de la Couronne, Dr Gilles Chamberland.

Selon le psychiatre de la défense, Dr Sylvain Faucher, les « commentaires » de Josiane Arguin prononcés juste avant de mourir ont provoqué la « colère » de Simon Brind’Amour, contribuant du même coup à son processus de « dissociation ». Le fait d’avoir lancé de telles « accusations » dans la cour arrière de leur maison, donc dans un lieu public, est déterminant dans la genèse de cet épisode, selon l’expert.

Dans un contre-interrogatoire serré, Dr Faucher a toutefois admis avoir « oublié » d’inclure le mot « dissociation » dans son rapport de 16 pages, bien qu’il s’agisse de sa principale conclusion. « J’aurais dû l’écrire. C’est un malheureux oubli », a-t-il concédé.

Pour arriver à un tel diagnostic, le Dr Faucher soutient qu’il faut cependant croire « la version » de Simon Brind’Amour. « On n’a pas d’élément de mesure. L’essence de la conclusion doit venir d’abord de croire monsieur. On n’a pas d’outil précis. […] C’est le noeud gordien de la cause. Croire ou ne pas croire », a témoigné le psychiatre, qui a amorcé son témoignage mardi.

« Il faut croire quelqu’un qui a menti à la police, qui a menti à la mère de la victime, au père de la victime, à son propriétaire, à ses enfants, à la mère de ses enfants ? Il faut croire cette personne-là ? », a rétorqué le procureur de la Couronne Me Louis Bouthillier.

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Josiane Arguin

Pendant deux mois, à l’automne 2018, Simon Brind’Amour a caché à tout le monde avoir tué Josiane Arguin, allant même jusqu’à participer aux recherches pour la retrouver. Il s’était cependant débarrassé du corps dans une benne à ordure, près de l’autoroute Métropolitaine, quelques jours après le crime, selon ses dires.

Avant de passer aux aveux lors de son arrestation, Simon Brind’Amour a raconté le meurtre à la mère de ses enfants, son ex-conjointe Sandra Cormier. Selon celle-ci, Simon Brind’Amour a dit avoir frappé Josiane Arguin avec une queue de billard avant de l’achever à coups de bâton de baseball. Or, l’accusé n’a jamais parlé d’une deuxième arme dans son témoignage.

« Je l’ai confronté sur le bâton de baseball, il m’a dit qu’il ne l’avait pas utilisé », explique le DFaucher. Cette information importante ne se retrouve cependant pas dans son rapport, concède-t-il. D’autre part, si le jury adhère à la version du bâton de baseball – donc de l’utilisation de deux armes –, il faut exclure la possibilité d’une dissociation, ajoute le psychiatre.

En contre-interrogatoire, le DFaucher admet qu’il est « facile d’imiter » la dissociation. « C’est facile de dire : je ne me souviens plus. Je n’étais pas en contrôle », dit-il au jury.

« Tu vas savoir c’est quoi être une femme battue »

À la barre des témoins, à la mi-octobre, Simon Brind’Amour a raconté au jury que Josiane Arguin s’était cogné la tête sur la cuisinière par accident, le matin du 1er septembre, dans leur résidence d’Ahuntsic. « Elle est à terre. Elle crie : "tu m’as frappé, tu m’as frappé" », a-t-il relaté.

En tentant de la soigner, Josiane Arguin le frappe et prend la fuite en criant « Je suis une femme battue ! » en direction de la cour arrière de leur maison. « Je m’en allais l’aider et […] je me fais tasser, pousser, pis heurter », confie-t-il au jury.

Par la suite, l’accusé affirme se souvenir seulement de « bribes » et de « trois flashs ». Mais il affirme avoir pris la queue de billard et avoir dit à sa conjointe : « Si tu veux être une femme battue, tu vas savoir c’est quoi être une femme battue ».

Toujours selon son récit, Simon Brind’Amour dit être revenu à ses esprits, alors que Josiane Arguin était accroupie devant lui, toujours en vie. Il a alors tenté de lui faire le bouche-à-bouche pour la sauver. Le travailleur de la construction note alors le « son de détresse respiratoire et l’affaissement de la cage thoracique » de la victime. Il n’a jamais appelé les secours.

Le procès devant jury est présidé par Hélène di Salvo. MMaxime Raymond et MDavid Robert Temim défendent l’accusé. L'interrogatoire du Dr Chamberland se poursuit jeudi.