(Montréal) Gilbert Rozon a martelé jeudi n’avoir « agressé d’aucune manière » la plaignante, il y a 40 ans. C’est même plutôt elle qui lui aurait « imposé » une relation sexuelle lors de cette soirée qui l’a « marqué à vie ». La preuve est maintenant close à son procès pour viol et attentat à la pudeur, et le dernier round est prévu le 6 novembre avec les plaidoiries.

À la fin de son contre-interrogatoire jeudi matin, le magnat déchu de l’humour a écorché la version de la plaignante, aux antipodes de la sienne. « Si j’avais été un agresseur, elle n’aurait certainement pas dormi chez moi et enlevé sa robe. Il y a quelque chose qui ne fait pas de sens là-dedans », a-t-il affirmé.

Comme la veille, Gilbert Rozon a fermement nié avoir agressé sexuellement la plaignante lors de cette nuit de l’été 1980 à Saint-Sauveur. « Ce n’est pas arrivé. […] Je réfute complètement ces allégations d’avoir touché ou d’avoir enlevé une petite culotte. Je les réfute complètement », a-t-il martelé.

L’accusé de 65 ans a raconté de nouveau en détail le déroulement de cette soirée au cœur du procès. Il maintient s’être réveillé ce matin-là avec la jeune femme de 20 ans au-dessus de lui en train de lui faire l’amour. Un souvenir toujours vif dans sa mémoire, même 40 ans plus tard. Il se souvient d’ailleurs, dit-il, de la luminosité dans la pièce.

« Se réveiller avec une érection, c’est étonnant. Elle était sur moi, c’est le genre de souvenir qui te marque à vie. Ça ne t’arrive pas cinquante fois. Je vis une situation totalement inattendue. Je n’ai pas cherché à comprendre. La voir regarder au loin devant elle, comme dans une sorte de bulle. Je l’ai regardée vivre son évènement », a-t-il expliqué à la juge Mélanie Hébert.

« C’est la vérité, il n’y en a pas d’autres [histoires] comme ça. Je l’ai racontée à plein de gens », a-t-il affirmé.

Contrairement à la veille, Gilbert Rozon a clairement expliqué avoir consenti à la relation sexuelle, malgré le contexte « étonnant » du rapport. « C’est quelque chose qui m’a été imposé. J’ai accepté, j’étais complètement consentant », a-t-il déclaré.

Selon Gilbert Rozon, la plaignante était dans une « transe » et « se faisait l’amour » sur lui, en regardant au loin. « Je l’ai regardée, j’ai un souvenir très précis. J’ai pris sa taille pour l’accompagner dans ses mouvements », a-t-il ajouté.

Son récit est aux antipodes de celui de la plaignante. La femme de 60 ans a en effet témoigné s’être réveillée ce matin-là en voyant Gilbert Rozon au-dessus d’elle et bien « déterminé à avoir une relation sexuelle ». Elle assure n’avoir jamais consenti à la relation sexuelle. Sans force et sans énergie, elle était alors victime d’« oppression », a-t-elle expliqué. C’est pourquoi elle s’est « laissé faire ».

Selon le récit de la plaignante, Gilbert Rozon et elle sont sortis dans une discothèque dans les Laurentides. Ils s’étaient rencontrés dans une station de radio de la région. L’homme de 25 ans a alors prétexté devoir aller chercher des documents chez sa secrétaire à 2 h du matin pour l’attirer dans une maison à la porte déverrouillée. Gilbert Rozon s’est ensuite « jeté » sur elle pour tenter de l’embrasser et de lui retirer sa petite culotte, mais la plaignante l’a fermement repoussé.

Comme Gilbert Rozon refusait de la conduire chez ses parents et qu’elle craignait de déranger son père à une telle heure en lui téléphonant, la plaignante a décidé de dormir dans une autre chambre de la maison. Elle n’avait pas peur du jeune homme, a-t-elle dit. C’est dans ce contexte que l’accusé l’a agressée sexuellement à son réveil le lendemain matin, a-t-elle expliqué.

« C’est quelque chose qui ne fait pas de sens, rétorque Gilbert Rozon. Quelqu’un arrête [des avances sexuelles], tu dors chez la personne, tu te déshabilles, tu vas te coucher dans une chambre, il me semble que ça ne marche pas. »

L’accusé décrit plutôt une soirée agréable avec une jeune femme à l’intérêt « palpable », malgré leurs discussions politiques très tendues. Il nie avoir évoqué la maison de sa secrétaire et soutient plutôt l’avoir invitée à prendre un dernier verre dans la maison d’une amie. Il dit ensuite avoir allumé un feu de foyer pour créer une ambiance « romantique ». Les deux jeunes gens se sont ensuite embrassés, jusqu’à ce que la plaignante se « raidisse » soudainement, lorsque Gilbert Rozon a tenté de glisser sa main sous ses vêtements.

« Je ne comprenais pas une réaction aussi immédiate. J’ai eu une réaction d’un garçon un peu orgueilleux. J’ai dit : “La chambre est là. Moi, je vais dormir là.” Elle a eu l’air plus étonnée que moi que j’arrête. […] Mon souvenir, c’est qu’elle a dit non, mais un non pas très fort. C’est pour ça que j’ai imaginé un amoureux qu’elle ne m’avait pas révélé ou ses menstruations. »

Bruno Ménard représente le ministère public, alors que l’accusé est défendu par MPierre Poupart et MIsabel Schurman.