(Ottawa) La Cour suprême du Canada a déclaré qu’il ne devrait pas y avoir de nouveau procès pour deux hommes reconnus coupables d’infractions de terrorisme.

Raed Jaser et Chiheb Esseghaier ont été reconnus coupables, en 2015, d’accusations liées au terrorisme découlant principalement d’un prétendu stratagème inspiré d’Al-Qaïda visant à faire dérailler un train de passagers voyageant entre les États-Unis et le Canada.

Les deux hommes ont fait appel des verdicts de culpabilité, l’avocat de Raed Jaser et un avocat nommé par le tribunal pour Chiheb Esseghaier faisant valoir que le jury du procès avait été mal constitué.

En août de l’année dernière, la Cour d’appel de l’Ontario a ordonné un nouveau procès pour les deux hommes, au motif que le jury avait effectivement été mal choisi.

Lors d’une audience devant la Cour suprême, mercredi, la Couronne a soutenu que les déclarations de culpabilité ne devraient pas être annulées sur la base d’une erreur hautement technique dans le processus de sélection des jurés, qui n’a pas porté atteinte au droit à un procès équitable.

Dans une décision rendue à l’audience, la Cour suprême a effectivement accepté et accueilli l’appel fédéral, affirmant que des motifs écrits suivraient.

Le tribunal a renvoyé l’affaire à la Cour d’appel de l’Ontario pour qu’elle se prononce sur les « motifs restants », soit la contestation par les hommes de leurs condamnations réelles.

Une « erreur technique »

Les avocats fédéraux plaidaient que MM. Jaser et Esseghaier avaient été reconnus coupables des infractions de terrorisme les plus graves en droit canadien après près de neuf mois de requêtes préalables au procès et un procès devant jury de trois mois.

« Le fait d’annuler ces condamnations sur la base d’une erreur technique qui n’a eu aucun effet appréciable sur la conduite du procès est un triomphe de la forme sur le fond », a déclaré la Couronne dans un mémoire présenté à la Cour suprême.

L’avocat fédéral Kevin Wilson a déclaré au tribunal mercredi que le juge du procès avait fait « un exercice valide de son pouvoir discrétionnaire ».

« Tout le monde dans cette affaire voulait préserver l’impartialité des jurés. »

La sélection du jury en cause

Les avocats de MM. Jaser et Esseghaier ont plaidé pour le rejet de la contestation du ministère public et ont déclaré que l’ordonnance d’un nouveau procès devrait être maintenue.

Avant le procès pour terrorisme, la notoriété de l’affaire et le fait que les deux accusés étaient musulmans et membres d’une minorité visible signifiaient que les candidats jurés devaient être interrogés sur leur capacité à être impartiaux.

Historiquement, au cours de ce processus, deux personnes se sont vu confier le rôle de « vérificateurs » et ceux-ci écoutaient les réponses pour détecter des signes de partialité. Les avocats de la Couronne et de la défense décidaient ensuite d’autoriser ou non l’individu à siéger au jury.

Le recours à des « vérificateurs en rotation » impliquait que chaque juré nouvellement nommé remplace l’un des deux vérificateurs pour un interrogatoire ultérieur.

L’avocat de M. Jaser voulait que les procédures se poursuivent avec des vérificateurs en rotation, les autres membres potentiels du jury étant exclus de la salle. M. Esseghaier n’était pas représenté, car il rejetait le système de justice pénale pour des motifs religieux.

En raison des modifications apportées à la loi en 2008, il y avait une incertitude quant à savoir si les procédures demandées par M. Jaser étaient encore possibles, et le juge a finalement approuvé une autre méthode.

Dans sa décision de 2019, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que M. Jaser s’était vu refuser à tort son option préférée pour la sélection du jury. Le tribunal a aussi statué que si M. Jaser devait avoir un nouveau procès, M. Esseghaier y avait également droit.

Lors de l’audience de mercredi, le juge Michael Moldaver a manifestement mal accueilli la suggestion selon laquelle M. Jaser avait été désavantagé. « Je trouve que toute cette affaire ressemble presque à Alice au pays des merveilles », a-t-il déclaré à son avocat.