En jouant un rôle dans la réalisation du complexe hydroélectrique Churchill Falls, à Terre-Neuve-et-Labrador, au début des années 1970, Hydro-Québec a contribué à la destruction de terres ancestrales, estime la Nation innue du Labrador, qui lui réclame au bas mot 4 milliards en dédommagement.

Affirmant ne pas être en mesure de s’asseoir avec la société d’État afin de négocier, le grand chef de la Nation innue du Labrador, Etienne Rich, ainsi que la chef adjointe, Mary Ann Nui, ont annoncé, mardi, dans le cadre d’une visioconférence, le dépôt d’une poursuite visant cette dernière auprès de la Cour suprême de cette province.

Aucune des allégations n’a été prouvée devant le tribunal et Hydro-Québec n’avait pas encore pris connaissance du contenu de la poursuite, mardi après-midi.

« Hydro-Québec aurait dû accepter il y a longtemps de nous dédommager pour ce qu’ils ont fait, a lancé M. Rich. Il est temps pour eux de poser le bon geste. Cela fait 50 ans, mon dieu, 50 ans, que c’est dû. »

La Nation innue du Labrador allègue que les promoteurs du complexe se sont emparés illégalement de ses terres en 1969, notamment pour aménager un réservoir de plus de 6500 kilomètres carrés, ce qui a provoqué des inondations qui ont ravagé des lieux spirituels et de chasse pour les Innus, a-t-on expliqué.

Hydro-Québec n’a pas participé directement à la construction du complexe, achevée en 1974. En plus d’être actionnaire minoritaire (34,2 %), la société d’État a participé au financement et avait signé un contrat en 1969 pour acheter l’hydroélectricité à un prix avantageux jusqu’en 2041 — une entente qui a mené à une longue querelle juridique avec Terre-Neuve-et-Labrador qui s’est transportée jusque devant la Cour suprême du Canada. Le plus haut tribunal avait tranché que Québec n’avait pas à renégocier l’entente lui permettant d’acheter de l’hydroélectricité à un prix avantageux, comme le demandait Terre-Neuve-et-Labrador.

Sans Hydro-Québec, la centrale n’aurait jamais vu le jour, a estimé la Nation innue du Labrador. Les plaignants avaient conclu en 2011 une entente avec les gouvernements et Nalcor — l’actionnaire majoritaire du complexe — afin d’obtenir un dédommagement annuel supérieur à 2 millions.

« Nous sommes étonnés de cette réclamation, a expliqué le porte-parole d’Hydro-Québec, Serge Abergel, au cours d’un entretien téléphonique. Nous allons prendre le temps de l’analyser. Il y a un contexte historique complexe. Nous n’exploitons pas la centrale, mais nous achetons l’énergie. »

Les représentants de la Nation innue du Labrador ont convenu que plusieurs décennies s’étaient écoulées avant le dépôt de cette poursuite. La capacité de pouvoir poursuivre des entreprises devant les tribunaux et les efforts de réconciliation avec les Premières Nations ont pavé la voie à la démarche, ont-ils fait valoir.

Nancy Kleer, une avocate qui représente la Nation innue du Labrador, a expliqué qu’il n’y avait pas de formule mathématique précise pour en arriver à une réclamation supérieure à 4 milliards. La Nation innue du Labrador et ses avocats estiment qu’Hydro-Québec a engrangé des profits de 80 milliards depuis la mise en service du complexe de Churchill Falls et que cette somme pourrait atteindre 150 milliards d’ici 2041.

« Nous sommes prêts à aller devant les tribunaux, a dit M. Rich. Si (Hydro-Québec) est ouverte à négocier, nous serions très heureux de le faire. »

Advenant des pourparlers avec la société d’État, la poursuite ne sera retirée uniquement dans l’éventualité où une entente entourant un dédommagement sera signée en bonne et due forme, ont affirmé les plaignants.