Un ex-notaire et trois membres d’une famille condamnés pour gangstérisme en 2016 pour avoir blanchi de l’argent sale des Hells Angels dans un paradis fiscal s’en tirent finalement à bon compte en raison de la mauvaise planification de la Couronne. La Cour d’appel vient de casser les verdicts de culpabilité et d’ordonner l’arrêt du processus judiciaire, puisqu’un délai déraisonnable de sept ans s’était écoulé jusqu’au procès.

Michel Ste-Marie, 75 ans, ses enfants Dax et Mélanie Ste-Marie et un associé, Richard Felx, avaient été reconnus coupables de gangstérisme, de complot et de recyclage des produits de la criminalité par le juge Gilles Garneau en juin 2016 au palais de justice de Laval. Ils avaient écopé de de 30 à 48 mois de pénitencier.

Cette décision du plus haut tribunal de la province ne porte pas sur le célèbre arrêt Jordan sur les délais déraisonnables, puisque le juge Garneau s’était prononcé quelques mois avant cet arrêt-phare de la Cour suprême.

Le juge de la Cour du Québec avait alors conclu que les droits fondamentaux des accusés avaient été bafoués par les délais « inacceptables » de la cause amorcée en 2009, mais avait refusé de déclarer l’arrêt du processus judiciaire. Il avait toutefois sévèrement écorché le travail de la Couronne qui avait « manqué à son devoir dans la planification du dossier ».

Or, selon la Cour d’appel du Québec, le seul remède possible en cas de délais déraisonnables est l’arrêt du processus judiciaire, et ce, « autant avant qu’après Jordan ». Le juge Patrick Healy ne se prononce donc pas dans sa décision sur les autres motifs d’appel de la défense sur la qualité de la preuve et les autres erreurs de droit alléguées du juge de première instance.

MMarc Labelle défend les accusés, alors que Me Émilie Robert et MMagali Cimon représentent le ministère public en Cour d’appel.

Prête-noms et sociétés « offshore »

Les Ste-Marie avaient placé l’argent de membres des Hells Angels dans des fiducies et des sociétés appartenant à des prête-noms et dans des comptes de banque et des sociétés « offshore » à l’île Maurice, selon la preuve présentée au procès. Des Hells Angels bien connus auraient profité du stratagème, dont Normand « Casper » Ouimet, Alain Durand et Martin Robert. Certains d’entre eux étaient alors en fuite après l’opération SharQc du 15 avril 2009.

Martin Robert, un influent motard, s’est fait remarquer en décembre 2018 pour son mariage somptueux au centre-ville de Montréal.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Robert

Ancien notaire, Richard Felx s’occupait de créer les fiducies et utilisait sa société de l’île Maurice pour faire transiter l’argent des clients. Ses complices et lui prélevaient une commission qui pouvait s’élever à 10 % de la valeur de la transaction, toujours selon la preuve présentée au procès.

Dans une autre affaire, Richard Felx a été condamné à 69 mois de pénitencier le printemps dernier pour une fraude de véhicules d’un demi-million de dollars. Il avait commis ce crime, alors qu’il était en liberté pendant le processus d’appel du dossier de gangstérisme.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Richard Felx

À l’été 2017, le notaire radié en 1992 a élaboré un stratagème frauduleux afin d’obtenir du financement dans le but d’acheter des véhicules neufs chez divers concessionnaires de Montréal. En quelques mois, Richard Felx a réussi à acquérir neuf véhicules à son nom ou par l’entremise d’une société à numéro, par exemple un camion Ford F-150, une Cadillac Escalade ou une Chevrolet Camaro.

– Avec Daniel Renaud, La Presse