(Toronto) L’Unité des enquêtes spéciales (UES) en Ontario conclut qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles contre les policiers qui se trouvaient chez Regis Korchinski-Paquet, à Toronto, lorsqu’elle a fait une chute mortelle d’un balcon.

L’UES indique que six policiers étaient au domicile de la femme de 29 ans lorsqu’elle est tombée du balcon, en mai, tandis que sa mère et son frère se trouvaient près de là. Selon l’UES, Mme Korchinski-Paquet est morte en essayant de se faufiler sur le balcon d’un voisin. Le directeur de l’UES, Joseph Martino, affirme que rien n’indique que les policiers ont commis un acte criminel ce jour-là.

Dans un long rapport, l’UES rappelle que la mort de Mme Korchinski-Paquet a déclenché des « conversations importantes » sur la manière dont la police interagit avec les Noirs et les Autochtones. Mais l’agence affirme qu’il n’y a aucune preuve d’actes répréhensibles ou de racisme « manifeste » de la part des policiers dans cette affaire.

M. Martino admet que l’ethnicité a peut-être été un facteur dans les évènements qui ont conduit à la mort de Mme Korchinski-Paquet, qui était Noire et Autochtone. Mais il rappelle que le mandat de l’UES n’est pas d’examiner des problèmes systémiques au sein des corps policiers.

« Ma tâche était restreinte : déterminer, d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, s’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’un ou plusieurs des policiers dépêchés dans l’appartement de Mme Korchinski-Paquet avaient commis une infraction criminelle en lien avec sa mort », écrit M. Martino.

Dans le cours de son enquête, la « police des polices » a interrogé les six policiers dépêchés sur place ainsi que 15 témoins civils. L’UES affirme que les enquêteurs ont également reçu une déclaration écrite du père de Mme Korchinski-Paquet, avec qui la victime s’était entretenue au téléphone.

Crises d’épilepsie

Selon le rapport de l’agence, c’est la mère qui avait alerté la police, parce que Mme Korchinski-Paquet et son frère se battaient et elle voulait qu’ils soient chassés de l’appartement. Le frère et la sœur ont eux aussi appelé le 9-1-1 pendant la dispute. Lorsque la répartitrice a posé des questions sur un éventuel problème de santé mentale, la famille a précisé que Mme Korchinski-Paquet souffrait d’épilepsie et avait eu des crises plus tôt dans la journée, indique le rapport.

Après l’arrivée des policiers, la jeune femme est éventuellement sortie sur le balcon du 24e étage et a empêché les policiers de la rejoindre, selon le rapport d’enquête de l’UES. « Très rapidement, Mme Korchinski-Paquet a escaladé la balustrade du balcon et (le policier) l’a perdue de vue », indique le rapport. C’est en tentant d’atteindre le balcon voisin qu’elle a perdu l’équilibre et fait une chute mortelle, soutient l’UES.

L’agence conclut aussi qu’aucun policier ne se trouvait sur le balcon avec Mme Korchinski-Paquet à ce moment-là. L’UES estime enfin que les policiers ont tenté de désamorcer la situation dans la famille.

La sœur de Mme Korchinski-Paquet a déclaré mercredi que la famille était « dégoûtée » par les conclusions de l’UES.

« Nous ne sommes pas d’accord avec la façon dont le système fonctionne. Nous ne sommes pas d’accord avec ça — personne ne l’est », a déclaré Renee Korchinski lors d’une conférence de presse devant l’immeuble où sa sœur a perdu la vie. « Il semble que personne n’obtienne justice ou ce qu’il mérite. Ce qui est arrivé à ma sœur n’aurait pas dû lui arriver, mais c’est arrivé, alors les gens doivent être tenus responsables de leurs actes. »

Dans son rapport, le directeur de l’UES souligne que la mort de Mme Korchinski-Paquet est survenue quelques jours seulement après celle de George Floyd à Minneapolis. L’homme noir est mort après avoir été maintenu au sol par un policier pendant près de neuf minutes. Une vidéo de l’incident a fait le tour du monde et provoqué de nombreuses manifestations pour dénoncer le traitement des personnes racisées par la police.

La mort de Regis Korchinski-Paquet a déclenché des manifestations à Toronto et des appels à changer les pratiques policières pour les interventions auprès de personnes en crise. Deux conseillers municipaux ont ensuite présenté une motion visant à « définancer » la police de Toronto, mais elle a été annulée pour plutôt favoriser l’installation de caméras corporelles sur les policiers.

La Commission des services de police de Toronto, qui supervise le corps policier, a ensuite tenu une série d’assemblées publiques pour discuter du racisme systémique, bien que de nombreux manifestants aient déclaré qu’une telle collecte d’informations avait déjà été effectuée — sans grands résultats.