La présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada estime que les critères pour déclencher une alerte Amber nationale devraient être revus, à la lumière de la disparition d’une adolescente au Cap-Breton.

Une semaine après la disparition, le 13 août dernier, de la jeune fille de 14 ans, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Nouvelle-Écosse avait lancé une alerte locale, à la population du Cap-Breton. La GRC a expliqué ensuite qu’elle n’avait pas émis d’alerte Amber parce qu’elle croyait que l’adolescente était partie de son plein gré. L’adolescente a finalement été retrouvée, saine et sauve, en fin de semaine ; l’homme de 47 ans qui l’accompagnait a été accusé lundi d’enlèvement d’enfant.

Lorraine Whitman, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, est soulagée d’apprendre que la jeune Mi’kmaq de la communauté de We’koqma’q a été retrouvée saine et sauve. Mais elle estime que la gestion policière de ce dossier met en lumière un problème national.

Elle rappelle le rapport de l’Enquête publique sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui avait mis en évidence une tendance de la police à classer comme des fugues les affaires de disparitions de filles autochtones, ce qui ralentit les enquêtes.

Selon Mme Whitman, ce stéréotype de « filles fugueuses » met les mineures en danger et les critères d’alerte Amber doivent être revus pour éviter que les mêmes retards ne se reproduisent.

Le rapport de 2019 sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées citait des témoignages de familles qui racontaient comment les stéréotypes et le blâme des victimes avaient ralenti les enquêtes sur des disparitions ou des décès.

« Les hypothèses sur lesquelles s’appuyaient les forces de l’ordre, soit que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones sont des “ivrognes”,“des fugueuses en train de faire la fête” ou des “prostituées indignes d’attention” ont orienté une multitude d’interactions tout en minant encore plus la confiance envers les policiers et les organismes connexes », lisait-on dans le rapport.

Trop jeune pour partir avec un homme

Mme Whitman rejette également l’explication de la GRC selon laquelle l’adolescente avait quitté volontairement son foyer d’accueil avec un homme qu’elle connaissait. Elle estime qu’une jeune fille de 14 ans ne peut pas prendre seule une telle décision. Elle croit par ailleurs que l’alerte Amber aurait été déclenchée immédiatement si une adolescente allochtone et plus riche avait été portée disparue dans les mêmes circonstances.

Des caméras de surveillance ont signalé la présence de l’adolescente et de l’homme dans une station-service de Catalone, en Nouvelle-Écosse, le 13 août. Jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée neuf jours plus tard, des citoyens ont fouillé le secteur et demandé à la GRC de lancer une alerte Amber. Le chef et le conseil de We’koqma’q ont aussi offert une récompense de 5000 $ pour toute information. La police a lancé une alerte localisée aux résidents de la région une semaine après la disparition de la jeune fille.

Selon le Centre canadien de protection de l’enfance, les alertes Amber sont gérées par la province et seul un corps policier peut les déclencher. Les critères varient mais à la base, l’alerte est déclenchée suite à la disparition d’une personne de moins de 18 ans qui aurait été enlevée.

Or, la caporale Lisa Croteau, de la GRC, a expliqué mercredi qu’avant la découverte de la jeune fille, les informations indiquaient aux policiers qu’elle n’avait pas été enlevée. De nouvelles preuves, cependant, soutiennent l’accusation d’enlèvement d’enfant, mais Mme Croteau n’a pas voulu préciser. « Dès le début de l’enquête, nous avons eu de solides preuves qu’ils campaient toujours dans la région du Cap-Breton et qu’ils n’avaient pas l’intention de quitter l’île », a-t-elle soutenu.

Elle rappelle par ailleurs que ce n’est pas à la police de modifier les critères pour déclencher les alertes Amber. Des consultations ont lieu actuellement en Nouvelle-Écosse suite aux critiques selon lesquelles la GRC n’avait pas lancé d’alerte d’urgence à l’échelle de la province lors de la tuerie qui a fait 22 morts pendant des heures les 18 et 19 avril.