« Les enfants et moi, nous sommes traumatisés à vie. Ce jugement ne me ramènera pas mon fils mais il va peut-être nous aider à tourner la page, à retrouver une vie normale et à faire oublier à mes enfants leur peine et leur douleur ».

C’est par ces quelques mots lourds de sens que l’ancienne conjointe de Sofiane Ghazi, dont on ne peut révéler l’identité en vertu d’un interdit de publication, a réagi mercredi matin au prononcé de la peine de celui qui l’a violemment attaquée à coups de fourchette à viande, la blessant, et tuant l’enfant de 36 semaines qu’elle portait, le 23 juillet 2017.

Après avoir plaidé coupable à un chef réduit de meurtre au second degré l’automne dernier, l’homme de 40 ans était déjà condamné à une peine à perpétuité. Ne restait qu’à fixer les délais d’admissibilité à une libération conditionnelle.

La Poursuite, assurée par MChantal Michaud, demandait 18 ans. La Défense, représentée par MSteven Hanafi, réclamait 12 ans. Le juge Jean-François Buffoni de la Cour supérieure a fixé la date d’admissibilité à une libération conditionnelle à 15 ans, après avoir lu un long jugement étoffé et bien écrit, soulignant en plusieurs endroits la violence extrême des gestes posés par Ghazi.

Mépris envers la vie humaine

En juillet 2017, le couple battait de l’aile et se disputait sur la garde des enfants. Ghazi affirmait que l’enfant à venir n’était pas de lui. Trois jours avant l’attaque, il a frappé sa conjointe qui a communiqué avec le 911. Ghazi a été arrêté et libéré sous conditions, notamment de ne pas communiquer avec sa conjointe.

Qu’importe, il s’est rendu chez elle le 23 juillet et l’a frappée à coups de fourchette à viande, causant 12 plaies au ventre et 7 dans le haut de la cuisse gauche. Le bébé qu’elle portait a reçu 9 plaies pénétrantes, a souligné le juge. Son coeur battait à son arrivée à l’hôpital.

« Il (Ghazi) a annoncé qu’il ne voulait pas que l’enfant naisse. Il a dit à sa conjointe : "Ah, tu les as appelés (les policiers), tu vas voir ce qu’il va t’arriver". Après l’agression, il a quitté sans prêter assistance à la victime ou appeler le 911. Il est parti avec le seul téléphone de la maison et à bord de la voiture. Les paroles vengeresses démontrent qu’il avait l’intention de laver l’affront que sa conjointe lui a fait. Les blessures indiquent qu’il voulait écarter la naissance à venir. Ses crimes sont horribles et démontrent une insensibilité glaciale et un manque de respect envers la vie humaine », a notamment déclaré le juge.

« Le meurtre de l’enfant à naître s’approche du meurtre au premier degré. Les actes démontrent un réel mépris envers deux personnes vulnérables qu’il considère comme ses choses, sa propriété », a poursuivi le magistrat.

Peu de facteurs atténuants

Le juge Buffoni a notamment tenu compte, comme facteurs aggravants, de la gravité des gestes posés, de la « brutalité » de l’attaque, des circonstances, du fait que Ghazi n’ait pas aidé les victimes, que le crime a été commis alors qu’il devait respecter des conditions et de l’impact « atroce sur les victimes dont il ne semble pas se soucier », a-t-il dit.

En revanche, le juge a écarté plusieurs facteurs atténuant que la Défense a présentés même s’il en a considérés quelques-uns.

« La peine doit toutefois être juste et humaine pour le condamné même s’il a été injuste et inhumain », a déclaré le juge avant de fixer les délais d’admissibilité à la libération conditionnelle à 15 ans.

« Quand on avance des facteurs atténuants et qu’ils ne sont pas retenus, c’est décevant. On va attendre de recevoir une copie écrite du jugement et s’il y a des motifs d’aller en appel, on le fera », a affirmé l’avocat de Ghazi, MSteve Hanafi.

Ce dernier a ajouté que son client avait des remords mais Ghazi a annoncé qu’il n’avait aucune déclaration à faire lorsque le juge Buffoni lui en a donné l’occasion.

La procureure de la Poursuite, MMichaud, n’a pas voulu commenter le jugement avant de l’avoir lu.

Dans le box des accusés, Sofiane Ghazi, portant un masque, vêtu d’un manteau de sport, a semblé impassible tout au long de la comparution. Son ex-conjointe, assise dans la salle, l’a observé à un certain moment.

Outre le chef de meurtre au second degré de « bébé Ghazi », Sofiane Ghazi a été condamné pour tentative de meurtre et voies de faits sur son ancienne conjointe.

Il a plaidé coupable au chef réduit de meurtre au second degré au deuxième jour de son procès l’automne dernier mais a ensuite voulu retirer son plaidoyer, ce que la cour a refusé.

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