(Toronto) La Commission ontarienne des droits de la personne « confirme que les Noirs sont plus susceptibles d’être interpelés, inculpés et assujettis à un usage de la force par la police de Toronto et ce, de façon disproportionnée ».

Dans son deuxième rapport provisoire sur le profilage et la discrimination raciale au Service de police de Toronto, rendu public lundi, la Commission des droits de la personne « confirme que les Noirs sont plus susceptibles que les autres personnes d’être arrêtés et inculpés, de faire l’objet d’accusations excessives, et d’être frappés, abattus ou tués par la police de Toronto ».

Selon les auteurs, les deux rapports « prouvent sans l’ombre d’un doute qu’il n’y a plus lieu de débattre de l’existence ou non d’un racisme systémique ou de préjugés raciaux anti-Noirs au sein du service de police de Toronto ». Ils estiment que le temps est venu « de prendre des mesures concrètes pour faire évoluer les institutions et les systèmes ».

Intitulé « Un impact disparate », ce deuxième rapport est le fruit de l’analyse des données de la police de Toronto de 2013 à 2017. Les auteurs constatent que, bien que les Noirs ne représentent qu’environ 8,8 % de la population de la métropole canadienne, ils représentaient près d’un tiers de toutes les accusations portées. Or, seulement un cinquième de ces accusations débouchait éventuellement sur une condamnation, « ce qui soulève des inquiétudes de nature systémique quant aux pratiques d’accusation », estiment les auteurs du rapport.

Le professeur de criminologie Scot Wortley, de l’Université de Toronto, qui a dirigé l’étude, affirme que les résultats justifient une « réforme importante ».

La commission avait amorcé son enquête en novembre 2017 ; elle avait publié son premier rapport l’année suivante. Ce premier rapport provisoire révélait déjà qu’entre 2013 et 2017, une personne noire à Toronto était 20 fois plus susceptible d’être abattue par la police qu’une personne blanche. Un examen des rapports de l’Unité des enquêtes spéciales — la « police des polices » en Ontario — avait également révélé que les policiers manquaient parfois de fondement juridique pour arrêter ou détenir des Noirs, qu’ils les fouillaient sans justification, procédaient à des arrestations sans véritables fondements et portaient ensuite des accusations inutiles.

Colliger des données

« Les conclusions de la Commission ontarienne des droits de la personne […] sont troublantes et exigent une explication », déclarait le commissaire en chef d’alors, Renu Mandhane. « À ce stade provisoire, nous demandons à la police de Toronto de reconnaître les très graves préoccupations de la commission en matière de droits de la personne. »

Le Service de police et la Commission des services policiers de Toronto avaient alors publié une déclaration commune indiquant qu’ils acceptaient les recommandations ; et à la demande de la Commission des droits de la personne, ils avaient par la suite commencé à colliger des données sur l’ethnicité des prévenus.

Le Service de police de Toronto fait partie des nombreux corps policiers qui sont actuellement soumis à un examen minutieux pour leurs interactions avec les personnes racisées. Le meurtre de George Floyd aux mains de policiers à Minneapolis en mai dernier a déclenché des manifestations et des appels au « définancement » des corps policiers aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde.

À Toronto, des manifestants ont également déploré la mort de Regis Korchinski-Paquet, une femme noire de 29 ans qui est tombée d’un balcon alors que la police était dans son appartement. Des voix s’élèvent pour exiger une réforme des interventions liées à des problèmes de santé mentale. L’Unité des enquêtes spéciales enquête sur les circonstances de sa mort et a indiqué que le rapport pourrait être déposé dès ce mois-ci.

À Montréal, un rapport accablant déposé en octobre révélait que les femmes autochtones étaient 11 fois plus susceptibles d’être interrogées que les femmes blanches, et que les hommes noirs et arabes étaient entre quatre et cinq fois plus susceptibles d’être soumis à des interpellations policières. Le Service de police de la Ville de Montréal a présenté en juillet une nouvelle politique qui exige que les interpellations soient fondées « sur des faits observables ».