Deux premiers individus accusés à l’issue d’une importante enquête effectuée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contre un réseau de recycleurs d’argent sale ont plaidé coupables à des accusations de trafic de biens criminellement obtenus, ces dernières semaines, à Montréal.

Les membres du réseau, établis à Montréal et à Toronto, auraient blanchi des centaines de millions de dollars provenant de la vente de la drogue et d’autres activités criminelles, selon la police.

En gros, des collecteurs établis à Montréal récupéraient l’argent liquide de groupes et remettaient les sommes au réseau de présumés blanchisseurs de Toronto.

Selon des explications données par la GRC au lendemain des arrestations en février 2019, l’argent transitait ensuite par des bureaux de change et de faux transferts étaient ensuite réalisés vers Dubaï, dans les Émirats arabes unis, en Iran, au Liban, aux États-Unis et en Chine.

Les sommes étaient par la suite mises à la disposition de fournisseurs de cocaïne du Mexique et de la Colombie, pour l’exportation de drogue vers le Canada, ou bien pouvaient revenir au pays sous des formes légitimes comme des traites bancaires ou des chèques. Mais jamais les piles d’argent remises au collecteur au départ ne quittaient le Canada.

Selon des déclarations sous serment à l’appui de mandats de perquisition divulgués en cour, les présumés recycleurs ont notamment simulé la production de 9 millions de boîtes d’ailes de poulet dans le but de fabriquer de fausses factures et de justifier des transferts de millions de dollars dans des comptes enregistrés à l’extérieur du pays.

Toute cette théorie de la police fédérale n’a toutefois pas encore subi l’épreuve des tribunaux.

L’enquête, baptisée Collecteur, a mené à l’arrestation d’une vingtaine de personnes, dont les chefs présumés du réseau, pour lesquels les procédures sont toujours en cours.

Jusqu’à un demi-million en petites coupures

Selon un résumé des faits déposés en cour, le 16 août 2017, Éric Bradette, 38 ans, a remis un sac contenant une somme d’argent non précisée à un coaccusé, Kamel Ghaddar, à Laval. Le lendemain, les enquêteurs ont effectué un examen subreptice du véhicule de Ghaddar et constaté la présence de liasses d’argent.

Dix jours plus tard à Montréal, Bradette a été vu par les policiers remettant à un certain Francisco Guerrero – connu comme un trafiquant de cocaïne – un sac d’épicerie réutilisable dans lequel les policiers ont découvert 275 000 $ en coupures de 20 et de 50 $.

Le prononcé de la peine d’Éric Bradette a été fixé au 30 septembre prochain.

L’autre courrier qui a plaidé coupable à des chefs de trafic d’argent, Sergio Violetta-Galvez, 44 ans, a été observé durant l’enquête avec des sommes d’environ 500 000 $ et de 80 000 $.

« Le trafic de stupéfiants génère des sommes d’argent astronomiques pour les organisations criminelles. Celles-ci doivent trouver divers stratagèmes afin de sortir ces sommes du pays et éventuellement les intégrer dans l’économie légale. Pour ce faire, l’argent doit être transporté physiquement par des courriers. Bien qu’au bas de l’échelle, le rôle du courrier dans une telle organisation est primordial. Le délinquant s’est livré à deux échanges dans un court laps de temps et il ne pouvait ignorer qu’il transportait d’énormes sommes d’argent, surtout la première fois », a décrit le juge Pierre Labelle, de la Cour du Québec, après le plaidoyer de Violetta-Galvez.

Mais soulignant plusieurs facteurs atténuants, notamment le fait que Violetta-Galvez est le seul soutien de sa famille, le juge l’a condamné à une peine de 20 mois à purger dans la collectivité, assortie de fortes conditions et de 175 heures de travaux communautaires, et non pas à 18 mois d’emprisonnement comme le réclamait la poursuite.

« Je comprends le besoin de dénoncer ce genre de criminalité considérant qu’il s’agit d’un aspect important des activités criminelles générant de grands profits. Cependant, je ne suis pas prêt à déraciner le délinquant de son milieu familial afin qu’il purge quelques mois de détention. Il est possible de dénoncer la conduite reconnue par le délinquant sans qu’il doive être incarcéré », a conclu le juge Labelle.

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