(Saint-Apollinaire) La Sûreté du Québec aura passé 12 jours aux aguets, ce qui a donné lieu à une chasse à l’homme inédite. Dans un tragique dénouement, le corps de Martin Carpentier, suspecté de l’enlèvement de ses deux filles, a été retrouvé lundi soir dans les heures qui ont suivi l’ultime hommage rendu aux petites Norah et Romy Carpentier. Il se serait donné la mort.

Une information divulguée par un citoyen a permis de retrouver le fugitif, sans vie. Son corps n’avait toujours pas été identifié en début de soirée, lundi, mais « tout porte à croire qu’il s’agit de Martin Carpentier », a affirmé la Sûreté du Québec (SQ) sur les réseaux sociaux. On ignore à quand remonte la mort. Certains voisins ont évoqué une odeur de putréfaction.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La dépouille a été découverte non loin d’une résidence du rang Saint-Lazare Est, entre Saint-Apollinaire et Saint-Agapit, à quelques kilomètres de l’endroit où Romy et Norah, âgées respectivement de 6 et 11 ans, ont été retrouvées sans vie.

Les propriétaires du domicile en question étaient absents depuis des jours. L’adresse se trouverait à l’extérieur du secteur scruté par les effectifs policiers.

Des rubans de police entouraient la propriété, lundi soir.

S’y trouvent une maison et un grand garage. Deux voitures de la SQ se trouvaient devant vers 22 h.

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Il s’agit d’un endroit densément boisé du rang Saint-Lazare près d’un secteur où les policiers avaient effectué plusieurs recherches, selon un voisin qui a préféré garder l’anonymat.

« Les recherches étaient très intenses dans le coin, sauf qu’ici il y a tellement d’endroits pour se cacher, de cabanes abandonnées, de camps de chasse, de refuges, il y a plein d’endroits ou il a pu se nourrir ou boire, peut-être qu’il s’est abreuvé dans le petit cours d’eau derrière » a indiqué le voisin à La Presse canadienne.

Celui-ci a fait état d’une odeur de putréfaction intense dans les dernières heures près de l’endroit où le corps a été découvert.

« Moi j’ai passé là hier, il y avait une odeur de bête morte et ça m’a frappé, mais les odeurs d’animaux morts dans le rang sont fréquentes » a ajouté l’homme.

Vers 23 h, des policiers étaient à l’œuvre sur le terrain, avec des lampes de poche, derrière le garage.

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Un peu avant 23 h 30, des personnes vêtues de combinaisons blanches ont transporté le corps dans un sac blanc jusque dans un véhicule.

Un coroner était également présent sur les lieux.

Drame inexplicable

Un nébuleux accident de voiture survenu le 8 juillet en soirée aurait précédé la mort des fillettes. Elles étaient alors accompagnées de leur père. Le tout a déclenché une alerte AMBER d’une durée de trois jours, la plus longue que le Québec a connue jusqu’à ce jour.

Bien des questions restent en suspens dans l’affaire Carpentier. À maintes reprises, la SQ a affirmé que le fugitif, dans l’éventualité où il était retrouvé vivant, demeurait la clé du mystère.

Porte-à-porte, heures passées dans les bois aux aguets de la moindre piste, surveillance accrue à l’aide de drones et de caméras thermiques : rien n’a été laissé au hasard pour retrouver le présumé responsable d’un drame sans nom. VTT, hélicoptères, groupe tactique d’intervention : la chasse à l’homme s’est déroulée parfois dans une chaleur caniculaire, d’autres fois sous une pluie diluvienne. Tout au long de l’opération, les policiers ont dû adapter leurs méthodes de communications avec le grand public, pour ne pas nuire à l’enquête délicate.

Au cours des recherches pour dépister l’homme en cavale, plus de 700 adresses ont été passées au peigne fin par les policiers en quête d’indices. Plus de 1000 signalements ont été validés.

Quand un témoin a cru apercevoir l’homme en après-midi, le samedi 11 juillet, dans un boisé près du rang Bois-Joly, les policiers ont automatiquement ratissé tout le secteur.

L’hypothèse selon laquelle le fugitif était toujours en vie prédominait depuis quelques jours. Plusieurs objets subtilisés dans une roulotte du secteur, geste interprété comme une tentative de survie du fugitif, ont mis la puce à l’oreille des enquêteurs.

Un évènement crève-cœur aura ponctué cette chasse à l’homme, et touché le Québec en entier : un hommage vibrant de peine et d’émotions d’Amélie Lemieux, mère des petites victimes et ex-conjointe du suspect. « Mes deux belles princesses d’amour, je vous ai tant voulues et attendues. Dès le premier souffle, je vous ai aimées inconditionnellement. Vous êtes toute ma vie, ma raison d’exister. » Des mots à donner des frissons, gravés dans la mémoire de nombreux Québécois.

Lundi, en fin de soirée, la SQ n’avait pas dévoilé le détail des circonstances qui avaient mené à la sinistre découverte du présumé kidnappeur, annoncée publiquement sur son compte Twitter. Des informations supplémentaires seront fournies dans les prochains jours.

Le fil des événements

8 juillet

Martin Carpentier et ses deux filles, Norah et Romy, sont portés disparus après une mystérieuse embardée en voiture sur l’autoroute 20. Ils ont été aperçus pour la dernière fois dans un dépanneur de Saint-Nicolas, près de Saint-Apollinaire, dans Chaudière-Appalaches.

9 juillet 

Une alerte AMBER est lancée en après-midi pour retrouver les deux fillettes — c’est la plus longue que le Québec a connue.

10 juillet

Un citoyen entend des cris de détresse en pleine nuit, près de la rue Veilleux. Les sons s’apparentent à des voix d’enfants. Les recherches se concentrent dans ce secteur.

11 juillet

Les corps inanimés des deux fillettes sont retrouvés dans un boisé de Saint-Apollinaire à l’ouest de la route 273, non loin du lieu de l’accident de voiture. En fin d’après-midi, leur décès est confirmé. Le détail de leurs autopsies, maintenant achevées, n’a toujours pas été dévoilé au grand public.

13 juillet

La mère des petites, Amélie Lemieux, leur rend hommage dans un discours bouleversant.

16 juillet

Des éléments d’enquête démontrent que Martin Carpentier est passé dans une roulotte où il aurait dérobé divers objets permettant d’assurer sa survie.

17 juillet

La SQ vérifie l’ensemble des chalets et des dépendances avec la collaboration des propriétaires.

18 juillet

La SQ met fin à ses recherches terrestres à Saint-Apollinaire et affirme redéployer ses effectifs. L’enquête se poursuit.

20 juillet

Les funérailles des sœurs Carpentier se déroulent en fin d’après-midi, à Lévis. À 19 h, la SQ repère un cadavre. Selon toute vraisemblance, il s’agit de Martin Carpentier, qui aurait mis fin à ses jours.

— Avec La Presse canadienne et les informations de Judith Desmeules, Le Soleil