L’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), qui représente les 5400 policiers et policières de la Sûreté du Québec (SQ), croit que l’affaire George Floyd aux États-Unis démontre l’importance d’équiper ses membres de caméras corporelles.

Son président, Pierre Veilleux, a sensibilisé le gouvernement Legault en ce sens dans une lettre envoyée au premier ministre il y a une douzaine de jours, et que La Presse a obtenue.

« Des études majeures effectuées aux États-Unis sur l’expérience du port de caméras corporelles par les policiers nous révèlent que les corps policiers qui ont déployé cette ressource matérielle ont été en mesure, en outre, de constater une diminution de la criminalité, une augmentation des plaidoyers de culpabilité, un impact positif sur la qualité et la nature des interventions policières, de même qu’une baisse importante du nombre de plaintes à l’égard des policiers », écrit notamment le chef syndical dans sa missive de deux pages.

Sondage auprès de ses membres et mémoire qui sera présenté dans le cadre des rencontres sur la réforme de la police (livre vert) à l’appui, Pierre Veilleux affirme que les policiers et policières de la SQ sont prêts à porter une caméra corporelle qui sera utile dans l’exercice de leurs fonctions.

« Cette perception n’est guère étonnante si l’on considère le nombre de fois où, trop souvent, des allégations de citoyens ou de petites séquences filmées d’une intervention policière sont reprises par les médias, sans que le contexte global soit démontré, nuisant d’autant à l’image des policiers et à la réputation de celui se retrouvant sur la sellette », écrit M. Veilleux.

Manque de contexte

« Nous déplorons que des arrestations durent 20 minutes, que quelqu’un nous filme durant 30 secondes et que des interventions soient ainsi dénoncées. On n’a pas le contexte », a expliqué M. Veilleux en entrevue avec La Presse.

PHOTO JEAN-MARIE VILLENEUVE, ARCHIVES LE SOLEIL

Pierre Veilleux, président de l’Association des policiers provinciaux du Québec

Les caméras corporelles seraient utiles pour nos policiers en régions éloignées, qui patrouillent souvent seuls. Elles contribueraient à désamorcer des situations.

Pierre Veilleux, président de l’Association des policiers provinciaux du Québec

Pierre Veilleux souligne que cela fait au moins cinq ans que l’APPQ réclame de telles caméras.

« Je trouve cela malheureux que l’on ait à revivre une situation comme Minneapolis [où George Floyd est mort asphyxié lors d’une intervention policière aux États-Unis] pour relancer le dossier. Actuellement, il y a un mouvement favorable », croit-il.

Défis technologiques et financiers

M. Veilleux est toutefois très conscient des coûts et des défis technologiques et judiciaires de l’implantation éventuelle de caméras corporelles.

Il explique qu’après une intervention, le policier devra visionner la scène ; « c’est du temps de plus sur le plan de la rédaction des rapports », prévient-il. Il ajoute que les visages de gens apparaissant sur la vidéo devront être masqués si le dossier est judiciarisé, et que cette preuve devra être envoyée par une technologie infonuagique à un procureur.

À la Direction des poursuites criminelles et pénales, ils ne sont pas prêts sur le plan technologique. Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas, ils ne peuvent pas. Ça prendrait plus de budget.

Pierre Veilleux, président de l’Association des policiers provinciaux du Québec

« Et imagine 14 000 policiers au Québec [tous les corps de police confondus] équipés du jour au lendemain de caméras corporelles, les coûts et changements que cela va provoquer. Mais nous n’avons pas le choix. La pression et l’acceptabilité sociale sont là », conclut le chef syndical.

Il y a une dizaine de jours, les présidents de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, et de la Fédération des policiers municipaux du Québec, François Lemay, se sont dit favorables à l'implantation des caméras corporelles. La fraternité représente 4500 policiers et policières dans la métropole et la fédération, 5500 policiers et policières oeuvrant dans 32 villes de la province, dont Québec, Laval, Longueuil et Gatineau.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca