(Saint-Jérôme) Ugo Fredette, reconnu coupable de deux meurtres, représente un risque élevé pour la sécurité du public ainsi qu’un risque élevé d’évasion, révèlent des documents des services correctionnels.

Ceux-ci ont été déposés à la Cour pour faire partie de la preuve dans le cadre des observations sur la longueur de la peine de prison que devra purger Ugo Fredette.

La Couronne réclame 50 ans ferme de pénitencier : si elle l’obtient, ce serait une première au Québec.

L’avocat de Fredette tente de convaincre la juge Myriam Lachance de la Cour supérieure de plutôt ordonner qu’il soit admissible à une libération conditionnelle après 25 ans de prison. Car avec un minimum de 50 ans, Fredette aurait environ 90 ans avant de pouvoir retrouver sa liberté.

L’homme de 44 ans a été condamné en octobre dernier pour le meurtre de son ex-conjointe, Véronique Barbe, tuée de 17 coups de couteau dans sa maison de Saint-Eustache, le 14 septembre 2017.

Fredette avait aussi été reconnu coupable de celui d’Yvon Lacasse, un automobiliste de 71 ans croisé par hasard, alors qu’il était en fuite après avoir tué son ex-conjointe.

Fredette a porté en appel ces verdicts de culpabilité. Il réclame un second procès.

Mais d’ici là, le processus de la détermination de la peine de prison qu’il aura à purger est tout de même en cours au palais de justice de Saint-Jérôme.

Lors de cette étape, il est notamment question du niveau de dangerosité de l’homme, de son risque de récidive et de son potentiel de réadaptation.

Ugo Fredette a décidé de ne pas témoigner au sujet de sa peine. Lors de son procès, il avait livré sa version des faits au jury.

Mardi, plusieurs employés des Services correctionnels du Canada ont témoigné.

Le plan correctionnel de Fredette, réalisé en janvier, fait état d’un niveau de responsabilisation « faible » de sa part. S’il reconnaît avoir tué Mme Barbe et M. Lacasse, il continue de parler de « provocation » de leur part.

Fredette ne semble pas mesurer la gravité et l’ampleur des conséquences de ses gestes sur ses proches et les familles des victimes, est-il écrit. Il ne semble pas voir l’impact sur l’enfant qu’il a emmené avec lui dans sa cavale et qui a été un témoin oculaire : il regrette même « amèrement » de ne pas l’avoir fait témoigner à son procès.

On peut aussi y lire « facteurs de réceptivité : aucun », et « cotation de l’engagement » envers son plan correctionnel : « non ».

Dans une autre évaluation datée de janvier, Ugo Fredette reçoit la cote « élevé » lorsque le risque d’évasion est analysé.

Il a écopé de cette cote notamment parce qu’il a fui les lieux de son premier meurtre, avec un enfant, ce qui a déclenché une alerte Amber. Il a tué un homme et volé son véhicule pour poursuivre sa cavale plus discrètement. Il a ensuite changé ses plans pour éviter son arrestation et lorsque localisé par la police en Ontario, il a fait semblant de frapper l’enfant pour forcer les autorités à lui tirer dessus afin d’éviter son arrestation, est-il relaté dans le rapport carcéral.

« Monsieur représente un risque de fuite/évasion certain », peut-on lire.

Le même rapport conclut aussi à un risque « élevé » quand la sécurité de la population est évaluée.

« Le sujet a démontré qu’il est susceptible de causer la mort de plus d’une personne, de manière très violente », est-il écrit.

Le premier meurtre a été fait dans un contexte de violence conjugale et le second dans un contexte tout autre : « à des fins instrumentales, afin de parvenir à son but », est-il noté.

Les rapports font aussi ressortir qu’Ugo Fredette s’adapte bien en prison et ne cause pas de difficultés.

Il s’est dit ouvert aux interventions correctionnelles pouvant lui permettre de comprendre la violence qu’il a déployée.

Et cela va faire partie du travail qu’il va accomplir dans le cadre de son plan correctionnel au cours des prochaines années, a souligné le psychiatre Louis Morissette qui a témoigné. Selon lui, l’homme présente un risque de récidive faible.

La veille, cet expert et celui de la Couronne ont déclaré être incapables, à ce moment-ci, de déterminer son potentiel de réhabilitation dans 25 ans.

La preuve est close et les plaidoiries des avocats auront lieu jeudi et vendredi.

La lettre de ses parents

Les parents d’Ugo Fredette ont écrit une lettre, destinée à la juge Myriam Lachance, pour lui expliquer qui est réellement leur fils.

Claudette Blouin et Michel Fredette ont décrit leur fils comme un homme « très poli, qui a beaucoup d’entregent, émotif et sensible ».

Il est très humain, il « s’oublie pour donner aux autres » et défend les plus faibles. Il n’aime pas l’injustice.

Ses parents parlent de lui comme d’un travailleur apprécié de ses employeurs, des clients et de ses collègues. Il était proche de ses parents.

« Il y a des actes qui ont été commis par Ugo et il y a Ugo en tant que personne qui sont deux choses bien distinctes. »

« Reconnaître les qualités et la belle personne qu’est Ugo ne veut pas dire excuser les gestes qui ont été commis », poursuivent-ils, ajoutant à quel point ils savent combien cela doit être horrible et terriblement douloureux pour les familles des victimes.

« Les peines consécutives sont comme une condamnation à mort sans aucune aide de guérison, de réparation et de réinsertion sociale », écrivent-ils en implorant la juge d’alléger sa peine, même s’il fait partie des personnes « les plus honnies de la société ».

Ils lui demandent de donner à leur fils de l’aide et la possibilité d’avoir un programme de réhabilitation sociale afin qu’il ait « un espoir de vivre ».