(Ottawa) La Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu conteste la constitutionnalité du récent règlement décrété par le gouvernement libéral qui interdit la possession de 1500 modèles d’armes à feu d’assaut « de type militaire ».

Dans sa contestation en Cour fédérale, la Coalition plaide que ces fusils sont des armes destinées à la chasse et au tir sportif, puisque c’est comme ça que leurs propriétaires les utilisent depuis des décennies. La Coalition plaide que les nouveaux règlements, décrétés par arrêté ministériel, sont illégaux et dépassent la portée des pouvoirs conférés au cabinet fédéral.

Les libéraux ont adopté cet arrêté ministériel au début du mois, en affirmant que ces armes n’avaient « été conçues qu’à une seule et unique fin : tuer le plus grand nombre de personnes le plus rapidement possible ».

Parmi les modèles prohibés, on retrouve l’AR-15, une arme qui a souvent servi à perpétrer des tueries de masse aux États-Unis. « Vous n’avez pas besoin d’un AR-15 pour abattre un cerf », disait le premier ministre Justin Trudeau le 1er mai dernier, lors de l’annonce du règlement.

L’interdiction couvre environ 1500 modèles et variantes de ce que le gouvernement considère comme des « armes d’assaut de type militaire » : ces armes ne peuvent donc plus être légalement utilisées, vendues, achetées, transportées ou importées au Canada.

Une période d’amnistie de deux ans sera cependant accordée aux détenteurs de ces armes, afin qu’ils se conforment à la nouvelle réglementation.

Le décret a été accueilli favorablement parmi les défenseurs d’un meilleur contrôle des armes à feu qui voient la démarche comme une première étape vers un retrait massif de ces armes de la circulation.

Dans sa requête, la coalition allègue qu’il n’existe « aucune preuve convaincante » qu’une réforme de la classification des armes, rendant illégaux un grand nombre d’entre eux, permettra d’atteindre l’objectif souhaité de réduire le nombre de tueries et de renforcer la sécurité du public.

Les opposants prétendent au contraire que le fait d’interdire ces armes aura l’effet de favoriser le marché de l’importation illégale d’armes à feu. Ce qui rendrait ces armes intraçables puisqu’elles ne seraient pas enregistrées.

« Toutes les armes utilisées pour la chasse ou le tir sportif peuvent être utilisées de manière abusive comme c’est le cas de plusieurs autres objets que possèdent les Canadiens comme des couteaux ou des véhicules », peut-on lire dans la requête.

« Les impacts préjudiciables sur les libertés des propriétaires d’armes légales sont largement disproportionnés par rapport à tout avantage négligeable pour le public », renchérit la coalition.

Elle ajoute qu’une telle interdiction serait une menace à la rentabilité de centaines d’entreprises ainsi qu’à la liberté et à la sécurité de centaines de milliers de Canadiens respectueux de la loi.

Les opposants se plaignent que le décret a été adopté sans avertissement, sans transparence et de manière extraordinaire alors qu’aucune urgence ne nécessitait un tel geste. Ils demandent au tribunal de délivrer une injonction suspendant le décret jusqu’à ce que la cause soit entendue sur le fond.

Le gouvernement fédéral pourra répliquer aux arguments de la coalition par écrit et oralement lors d’une éventuelle audience.

La contestation de la Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu survient au moment où le gouvernement promet de restreindre davantage les règles de contrôle des armes notamment en matière d’entreposage.

Ottawa prévoit aussi augmenter les ressources de surveillance policière et des agents des services frontaliers ainsi que renforcer les peines pour les contrevenants. Les libéraux veulent également faciliter la procédure pour permettre aux policiers, médecins ou conjoints et proches de personnes violentes pour dénoncer un individu représentant une menace.

Rachat d’armes

Le gouvernement propose aussi un programme qui permettrait aux détenteurs actuels d’obtenir une compensation s’ils remettent ces armes ou de les conserver en vertu d’une « clause de droits acquis » — un programme qui n’a pas encore été inscrit dans un projet de loi.

Le Bloc québécois a indiqué plus tard qu’il souhaitait un programme de rachat obligatoire, sans clause de droits acquis. Des groupes anti-armes à feu demandent aussi que le rachat soit obligatoire pour éviter que les armes ne finissent entre de mauvaises mains.

L’annonce du gouvernement fédéral, le 1er mai, survenait moins de deux semaines après la fusillade la plus meurtrière de l’histoire du Canada, qui avait fait 22 morts et de nombreux blessés en Nouvelle-Écosse. M. Trudeau, qui avait fait de cet enjeu une promesse de campagne l’automne dernier, s’est défendu de vouloir jouer à des jeux politiques alors que les Canadiens sont occupés à combattre la COVID-19.