Un individu accusé de gangstérisme et de trafic d’héroïne a notamment plaidé lundi matin les risques d’être infecté par la COVID-19 en prison pour tenter d’obtenir sa libération sur cautionnement.

Christian Nitu, 26 ans, est soupçonné d’avoir été le bras-droit du chef présumé d’un réseau de trafic d’héroïne qui opérait dans l’est de Montréal et qui a été démantelé en septembre 2019 par les enquêteurs de la Division du crime organisé (DCO) du SPVM à l’issue d’une enquête baptisée Astérios.

Mais le matin de la frappe policière, Nitu était en République dominicaine. Sa cavale a duré quatre mois avant qu’il soit arrêté par la police dominicaine et rapatrié au Canada. Il est détenu depuis et demande au juge Pierre Labelle de la Cour du Québec d’être libéré en attendant la suite des procédures.

Lundi matin, son avocate, Me Anne-Marie Campeau, a fait valoir que son client ne représentait pas un danger pour la population, qu’il respecterait ses conditions et qu’il était prêt à porter un bracelet GPS pour être suivi par les autorités en tout temps.

Sachant qu’il existe des jugements rendus en Ontario, favorables à des accusés qui ont plaidé la COVID-19 pour ne pas aller en prison, l’avocate a aussi fait valoir cet argument, déclarant notamment que ce n’est qu’une question de temps avant que la COVID-19 arrive à l’Établissement de Montréal (Bordeaux) - où est détenu son client -, que la prison est pire qu’un bateau de croisière et que si un premier cas de COVID-19 survenait à Bordeaux, ce serait comme un feu de paille.

De leur côté, les procureures de la Poursuite, Me Karine Cordeau et Me Marie-France Plante, ont répliqué que si des détenus avaient été libérés en raison de la COVID-19, ils n’étaient pas des têtes dirigeantes de réseaux de trafic de drogue.

Le juge Labelle rendra sa décision vendredi.

« Un truck de boss »

C’est à la suite de la découverte des corps de deux frères morts d’une surdose de fentanyl sous le pont Jacques-Cartier à Montréal durant l’été 2017 que les enquêteurs de la DCO du SPVM ont amorcé l’enquête Astérios.

Rapidement, ils ont ciblé un réseau de trafiquants d’héroïne dirigé par des membres d’un club école des Hells Angels aujourd’hui disparus, les Minotaures, et qui opérait avec une ligne téléphonique.

Selon la preuve déposée durant l’enquête sur remise en liberté de Nitu, ce dernier aurait collecté l’argent de la vente, effectué les comptes, distribué les paies, y compris celle de son patron, ravitaillé les vendeurs et coordonné les approvisionnements d’héroïne à coups de 50 grammes.

Durant l’enquête, les enquêteurs ont mis les téléphones des suspects sur écoute, dont celui de Nitu, et enregistré des milliers d’heures de conversation.

Entre autres, ils ont entendu Nitu, qui n’avait pas d’emploi connu mais qui se déplaçait en Land Rover, décrire ce véhicule comme « un truck de boss ».

En juin 2018, un autre groupe de vendeurs a concurrencé le réseau des Minotaures et les enquêteurs ont entendu Nitu parler à ses complices pour qu’ils localisent les vendeurs concurrents et leur fassent savoir que c’est leur territoire.

« L’utilisation de la violence est anticipée et une interception par les patrouilleurs devra être effectuée par mesure de sécurité », peut-on lire sur un document powerpoint préparé par les enquêteurs du projet Astérios.

Le 27 juin 2018, la résidence de Nitu a été perquisitionnée et les limiers y ont notamment découvert sept téléphones cellulaires et six cartes SIM.

Moins d’un mois plus tard, Christian Nitu aurait recommencé à trafiquer après avoir redémarré une nouvelle ligne téléphonique avec une complice.

Par la suite, il a contesté devant les tribunaux la saisie des objets trouvés lors des perquisitions mais a fui en République dominicaine le 2 mars 2019, quelques jours avant qu’un juge tranche la question.

Avant d’être arrêté en janvier 2020, Nitu est resté dix mois en République dominicaine où il aurait croisé un Hells Angels québécois, Daniel-André Giroux, lui-même en cavale dans le cadre d’une enquête de la Sûreté du Québec.

Alors qu’il était fugitif, Nitu a fait l’objet d’une notice rouge d’Interpol, c’est-à-dire un avis de recherche international.

Christian Nitu a des antécédents de voies de fait, infliction de lésions corporelles et d’entrave au travail des policiers.  

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à
drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.