Le policier de la Sûreté du Québec Éric Deslauriers, condamné à quatre ans de détention pour avoir tué un adolescent de 17 ans il y a six ans, aura droit à un nouveau procès. La Cour d’appel reproche à la juge Joëlle Roy d’avoir brossé un portrait « déraisonnable » des évènements et d’avoir exclu d’emblée d’importants éléments de preuve.

Le policier d’expérience avait été reconnu coupable en septembre 2017 d’une accusation d’homicide involontaire en ayant déchargé intentionnellement une arme à feu de façon insouciante. Il avait abattu David H. Lacour dans le stationnement d’une polyvalente de Sainte-Adèle en janvier 2014. L’adolescent de 17 ans avait refusé d’obéir aux ordres du policier qui lui ordonnait de lever les mains.

Le policier était intervenu sur l’heure du midi ce jour-là en remarquant que le véhicule conduit par la victime était volé. L’agent Deslauriers avait alors appelé du renfort et s’était positionné pour que sa voiture bloque la sortie du stationnement. Il était alors sorti de son véhicule avec son arme à feu visant le sol.

Selon un témoin, la victime a fait vrombir son moteur à plusieurs reprises en regardant le policier. Ce dernier aurait alors demandé au chauffard de lever ses mains à trois reprises. Croyant que l’adolescent avait obtempéré, le policier s’est alors approché de lui. Mais lorsqu’il se trouvait à cinq mètres du véhicule, l’adolescent a appuyé sur la pédale d’accélérateur.

C’est à ce moment que le policier a tiré à deux reprises en direction du jeune homme. Selon son témoignage, il avait craint pour sa vie en voyant la voiture foncer vers lui. Le véhicule a finalement frôlé le policier avant de terminer sa course un peu plus loin dans un banc de neige.

Pour la défense, l’usage de la force était justifié dans ce contexte de légitime défense. La Couronne maintenait toutefois que le policier avait mal évalué la situation. La juge du procès a tranché que le policier n’avait jamais eu peur pour sa vie et que la trajectoire du véhicule n’avait jamais mis sa vie en danger.

Dans une décision partagée, la Cour d’appel soutient que la juge du procès n’aurait pas dû refuser à la défense, dès la première étape de sa requête en divulgation de preuve, d’avoir accès à des documents pertinents concernant le passé criminel de la victime. La défense réclamait notamment de mettre la main sur des rapports policiers et des notes d’enquête portant sur l’adolescent. Ces documents auraient pu être pertinents pour la défense, par exemple pour démontrer la propension à la violence de la victime.

« Le fait d’exclure des renseignements à première vue pertinents à la preuve de l’innocence de l’accusé dès la première étape de la procédure établie dans l’arrêt O’Connor, sans avoir vu en quoi consistait cette preuve, n’était pas dans l’intérêt non seulement de l’accusé, mais aussi […] de la justice », écrit la Cour d’appel, dans une décision rendue cette semaine.

Le plus haut tribunal de la province conclut que la juge Roy n’a pas fait un portait juste des évènements qui ont mené à la mort de l’adolescent. La juge a fait une erreur « déraisonnable » en écrivant dans son jugement que l’accusé n’avait « aucune information » lui permettant de croire que la victime était dangereuse.

« La trame factuelle [que la juge] retient me semble incompatible avec la preuve sur certains points qui sont au coeur de la défense de l’accusé. Par exemple, sur la question cruciale de savoir à quel moment [le policier] a mis [la victime] en joue ou, encore, celle de savoir si le véhicule fonce sur lui, ou non », écrivent les juges Jacques Chamberland et Mark Schrager.

La Cour d’appel reproche également à la juge d’avoir tranché qu’il n'était pas « pertinent » de déterminer si le policier avait agi comme on lui avait enseigné pendant sa formation à l’École nationale de police du Québec.

La juge en chef Nicole Duval Hesler estime pour sa part que la juge Roy n’a commis aucune erreur justifiant la tenue d’un nouveau procès.