Toujours hanté par sa course à la direction du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau se tourne vers les tribunaux pour éviter que Québecor soit privée de millions de dollars en contrats publics en raison d’une infraction à la Loi électorale. Le magnat des médias martèle ne pas mériter une telle peine alors qu’il n’a commis « aucune manœuvre électorale frauduleuse ».

Cette affaire découle de la dette de campagne de Pierre Karl Péladeau lors de la course à la direction du PQ, remportée haut la main par l’homme d’affaires en mai 2015. Deux ans après sa démission pour des raisons familiales, l’ancien chef a reçu en 2018 un constat d’infraction du Directeur général des élections du Québec (DGE), assorti d’une amende de 20 000 $.

Le DGE reproche à M. Péladeau de ne pas avoir remboursé dans un délai de 36 mois un prêt de plus de 100 000 $ qu’il avait contracté auprès de la Caisse Desjardins pour financer sa campagne. Le milliardaire n’avait pas le droit d’éponger ce prêt à même sa fortune, il devait plutôt le faire à coups de dons individuels d’un maximum de 500 $ en vertu de la Loi électorale. Le DGE a ainsi conclu qu’il avait fait un don illégal à sa propre campagne. Or, il était « moralement et pratiquement insoutenable » de demander à ses partisans de contribuer à sa dette de campagne, selon M. Péladeau.

Après avoir plaidé coupable à cette infraction, l’ex-politicien a annulé sa déclaration de culpabilité en réalisant les conséquences possiblement catastrophiques pour son empire médiatique. 

En effet, s’il est reconnu coupable, Québecor et ses filiales pourraient perdre pour cinq ans l’autorisation légale qui leur permet d’obtenir des contrats publics, puisqu’il détient plus de 50 % des droits de vote. Des pertes potentielles de millions de dollars.

Pierre Karl Péladeau et Québecor Média ont récemment déposé en Cour supérieure une demande en pourvoi en contrôle judiciaire pour faire déclarer inconstitutionnel et inopérant l’article de la Loi électorale au cœur de l’affaire. Ils réclament également au président du Conseil du trésor, Christian Dubé, de ne pas inscrire leurs noms au Registre des entreprises non admissibles aux contrats des organismes publics.

Liberté d’expression

Dans sa requête, M. Péladeau soulève plusieurs arguments juridiques pour s’attaquer à la Loi électorale. Il dénonce principalement avoir été assujetti à une peine destinée à punir des manœuvres électorales frauduleuses, alors qu’il maintient n’en avoir commis aucune.

Il soutient également que la Loi viole le droit fondamental à la liberté d’expression des candidats à la direction d’un parti politique. Le législateur porte atteinte à la capacité des candidats à financer leur campagne, et donc « à véhiculer leurs idées », en considérant qu’un candidat a contribué à sa campagne dès qu’il ne rembourse pas un prêt dans les 36 mois, soutient-il.

« Il s’agit d’une entrave encore plus grande pour un candidat qui ne bénéficie pas d’un large bassin de donateurs ou pour un candidat qui songe à quitter la vie politique en cas de défaite », plaide-t-on dans la requête.

Bien que cette mesure puisse être fondée sur un objectif visant à assurer une plus grande égalité entre les candidats, elle ne représente pas une restriction proportionnée au droit à la liberté d’expression.

Extrait de la requête

De plus, la finalité de cette infraction constitue un traitement « cruel et inusité » en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu’il entraîne à l’endroit de M. Péladeau des conséquences « exceptionnellement disproportionnées » compte tenu de l’infraction, soutiennent les demandeurs.

L’application automatique des règles d’inadmissibilité aux contrats publics en raison de cet article de la Loi électorale n’est pas « rationnellement » liée à l’objectif des élus de s’attaquer à la corruption et à la collusion dans les contrats publics, ajoute-t-on. L’intégrité d’un ancien élu dans une telle situation n’est en rien affectée par son incapacité à rembourser son prêt, fait-on valoir.

Le procès de M. Péladeau concernant son infraction à la Loi électorale n’a pas encore eu lieu au palais de justice de Montréal.